https://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20180113.OBS0585/de-l-education-des-femmes-la-reponse-de-laclos-au-droit-d-importuner.html
"De l'éducation des femmes" : extraits
Venez
apprendre comment, nées compagnes de l’homme, vous êtes devenues
son esclave; comment, tombées dans cet état abject, vous êtes
parvenues à vous y plaire, à le regarder comme votre état naturel;
comment enfin, dégradées de plus en plus par votre longue habitude
de l’esclavage, vous en avez préféré les vices avilissants, mais
commodes, aux vertus plus pénibles d’un être libre et
respectable. (…)
Ne
vous laissez plus abuser par de trompeuses promesses, n’attendez
point les secours des hommes auteurs de vos maux: ils n’ont ni la
volonté, ni la puissance de les finir, et comment pourraient-ils
vouloir former des femmes devant lesquelles ils seraient forcés de
rougir; apprenez qu’on ne sort de l’esclavage que par une grande
révolution. Cette révolution est-elle possible? C’est à vous
seules à le dire puisqu’elle dépend de votre courage en elle
vraisemblable.
Toute
convention, faite entre deux sujets inégaux en force, ne produit, ne
peut produire qu’un tyran et un esclave, il suit encore de là que
dans l’union sociale des deux sexes, les femmes généralement plus
faibles ont dû être généralement opprimées; ici les faits
viennent à l’appui des raisonnements. Parcourez l’univers connu,
vous trouverez l’homme fort et tyran, la femme faible et esclave
(…)
Quand
on parcourt l’histoire des différents peuples et qu’on examine
les lois et les usages promulgués et établis à l’égard des
femmes, on est tenté de croire qu’elles n’ont que cédé, et non
pas consenti au contrat social, qu’elles ont été primitivement
subjuguées, et que l’homme a sur elle un droit de conquête dont
il use rigoureusement. (…) ils sentirent bientôt le besoin qu’ils
avaient des femmes; ils s’occupèrent donc à les contraindre, ou à
les persuader, de s’unir à eux. Soit force, soit persuasion, la
première qui céda, forgea les chaînes de tout son sexe. (…); les
hommes étendirent bientôt jusqu’à elles cette même idée de
propriété qui venait de les séduire et de les rassembler; de cela
seul qu’elles étaient à leur convenance et qu’ils avaient pu
s’en saisir, ils en conclurent qu’elles leur appartenaient: telle
fut en général l’origine du droit. Les femmes manquant de forces
ne purent défendre et conserver leur existence civile; compagnes de
nom, elles devinrent bientôt esclaves de fait, et esclaves
malheureuses; leur sort ne dut guère être meilleur que celui des
noirs de nos colonies. L’oppression et le mépris furent donc, et
durent être généralement, le partage des femmes dans les sociétés
naissantes.
Elles
sentirent enfin que, puisqu’elles étaient plus faibles, leur
unique ressource était de séduire; elles connurent que si elles
étaient dépendantes de ces hommes par la force, ils pouvaient le
devenir à elle par le plaisir. Plus malheureuses que les hommes,
elles durent penser et réfléchir plutôt qu’eux.
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