mercredi 25 novembre 2015

Le bonheur ! ?

Pour celles et ceux qui sont intéressés, un colloque consacré au bonheur se tiendra le jeudi 26 et le vendredi 27 au théâtre Quintaou.

Les organisateurs m’informent qu’ils proposent un tarif de 20 euros la journée au lieu de 80 euros pour les membres de notre association.

Il suffit de dire que vous appartenez à l’association de philosophie de Christophe Lamoure.

Voici un lien où vous trouverez le détail du programme des deux journées.

A noter que le film du jeudi soir est annulé et que R. Enthoven n’interviendra pas le jeudi après-midi mais seulement le matin.

lundi 23 novembre 2015

La formule du bonheur ?



« Former toujours de nouveaux désirs et les satisfaire à mesure qu'on les forme, c'est le comble de la félicité ; l'âme ne reste pas assez sur ses inquiétudes pour les ressentir ni sur la jouissance pour s'en dégoûter ; ses mouvements sont aussi doux que son repos est animé, ce qui l'empêche de tomber dans cette langueur qui nous abat et semble nous prédire notre anéantissement. »
 
Montesquieu, Pensées.

mardi 17 novembre 2015

Comprendre la stratégie de Daech

SOURCE :
http://www.la-croix.com/Actualite/France/Gerard-Chaliand-Daech-est-expert-en-manipulation-mediatique-2015-11-16-1380945#

Gérard Chaliand : «Daech est expert en manipulation médiatique»

Pour Gérard Chaliand, expert en stratégie (1), notre idéal démocratique doit désormais s’appuyer sur une fermeté politique et un arsenal juridique adapté à cette nouvelle forme de conflit.

 
La Croix : Comment analysez-vous les attentats de vendredi soir à Paris ?
Gérard Chaliand : Les attaques contre Paris étaient prévisibles depuis longtemps. Déjà, du temps d’Al-Qaïda, la France était située en tête de la liste des pays que promettaient de frapper les djihadistes. Nos engagements militaires ont exacerbé cet objectif déclaré. Je note surtout la minutie de la préparation et son indiscutable impact.
Mais, au-delà du caractère tragique de ces événements, les autorités françaises ne peuvent plus s’en tenir à des propos fermes. Elles doivent passer à des décisions fermes. Déclamer que « nous sommes en guerre » (alors qu’il s’agit d’un conflit), soit. Mais où sont les mesures de guerre ? Je ne les vois nulle part.
Nous avons projeté nos forces militaires à l’extérieur, dans une demi-douzaine de théâtres d’opération. Sur le territoire français, le plan Vigipirate n’a d’efficacité que symbolique et nous n’avons rien fait sur le plan législatif. Il est grand temps de passer aux choses sérieuses.
Il faut arrêter de suspecter des suspects, ne plus attendre qu’ils nuisent pour découvrir, trop tard, qu’ils représentaient une menace sérieuse. Il faut que cesse cette propagande ouverte, ou semi-ouverte, ou à caractère plus ou moins clandestin, menée par des réseaux d’imams, recevant de l’argent de l’étranger dont nous connaissons souvent les filières.
Faire cesser les agissements de ces prêcheurs qui sèment la haine et dont nous récoltons les fruits. Nous devons adapter aux circonstances notre idéal démocratique qui ne convient plus tout à fait aux conditions d’aujourd’hui.

Quelle distinction faites-vous entre guerre et conflit ?
G. C. : La guerre se mène sur un front, avec un ennemi déclaré, visible, localisable. Une situation de conflit, c’est se retrouver avec un adversaire furtif, non aisément localisable. Comme sur le territoire français, par exemple. Ici, nous sommes en guerre de quoi ? Avec qui ? C’est une affaire d’abord de police, de conflits sociaux et idéologiques, avec un adversaire clandestin.
On ne fait pas la guerre avec un clandestin, on le traque. Ce n’est donc pas une guerre, au sens classique du terme. On peut se déclarer « en guerre » mais on fait quoi ? Ce qui compte, ce sont les actes, la fermeté de la réponse de l’État, pas les déclarations spectaculaires ou les mouvements de menton. Il faut modifier l’arsenal juridique et agir avec efficacité.

Que vous inspire le mode opératoire utilisé par les trois commandos dans les rues de Paris ?
G. C. : Rien de neuf. S’attaquer aveuglément et résolument à des civils, cette méthode a déjà été utilisée à Madrid en 2004 (192 morts, 1 800 blessés). Elle a eu pour résultat le retrait des troupes espagnoles d’Afghanistan. C’est une opération d’ordre psychologique. Le terrorisme vise les esprits et les volontés.
Le modus operandi est classique : des exécutants, prêts à s’immoler, frappent le plus possible dans un grand nombre de lieux pour devenir l’événement majeur qui va tétaniser un pays, l’apeurer. Nous n’avions rien connu de similaire en France.
Daech cherche à creuser le fossé entre la population d’origine musulmane et le reste du pays, à rendre inconciliable cet « eux et nous ». Face à ce piège, on ne va pas s’en sortir avec des mots.

Stratégiquement, quelle est la puissance réelle de l’arme terroriste ?
G. C. : Elle est extrêmement limitée. Raymond Aron avait donné cette définition : « Doit être considéré comme terroriste, toute action dont l’effet psychologique est très largement supérieur à ses effets physiques ».
Mieux vaut tuer une personne et être vue de mille qu’en tuer mille et n’être vu que d’une seule. L’effet psychologique des attaques de vendredi soir est très réussi. Daech pratique un terrorisme de déstabilisation.
Nous avons longtemps vécu en sachant qu’une partie de cette jeunesse tourne autour du trafic de la drogue. Notre excellent client, l’Arabie saoudite, finance ceux qui cherchent à nous détruire et nous le savons. Les contradictions montent et nous pètent à la figure. Nous commençons à payer la note d’avoir voulu la paix sociale à tout prix, sans être très regardant sur la réalité.

Pourquoi sommes-nous si mal préparés à cette éventualité ?
G. C. : Parce que nous sortons d’un demi-siècle de paix, de prospérité relative et de protection et que nous vivons dans une société du spectacle. La responsabilité des médias de l’audimat est considérable. Ils font joujou avec l’effroi, sans aucune conscience. Ils montrent tout, répètent sans arrêt les mêmes images effroyables à une population qui a peur de son ombre.
Daech est expert en manipulation médiatique. Ce sont des enfants de Hollywood qui nous servent des films d’horreur. Ils ont la tête embrumée et nous véhiculons leur message à gogo. Nous rendons service à notre adversaire. C’est totalement irresponsable. La télévision française n’arrête pas de faire de la publicité aux exactions de Daech, de relayer la théâtralisation de l’horreur, de la repasser en boucle. Mais cette fois, c’est ici et maintenant. Pour de vrai.

Frapper des civils est-il la marque des formes de guerre modernes ?
G. C. : Depuis la IIe Guerre mondiale et les bombardements sur Dresde, Coventry, Hiroshima, Nagasaki, on tue beaucoup plus de civils que de militaires. Dans les guerres modernes, on cherche surtout à faire craquer l’opinion pour faire plier le politique. Le centre de gravité des guerres contemporaines se situe dans l’opinion publique.
Nous n’encaissons plus les pertes. C’est une vraie mutation dans les sensibilités. Elle tient à notre démographie modeste qui se rétrécit, à nos sociétés vieillissantes, devenues peureuses. Nous vivions dans un milieu bien protégé, préoccupé de loisirs, sous le parapluie américain, débarrassé de la menace soviétique. Nous nous sommes bercés de beaucoup d’illusions sur un monde de paix, de compréhension, avec pour seul critère les droits de l’homme, d’ailleurs à géographie variable. Or, l’Histoire nous apprend que nous serons toujours dans un univers conflictuel.

Gérard Chaliand, théoricien et observateur des guerres irrégulières
Né en Belgique, Gérard Chaliand est un spécialiste écouté des relations internationales, de la stratégie, des conflits armés et des guerres irrégulières. Il a beaucoup fréquenté, comme observateur engagé, les guérillas de la vague de décolonisation sur tous les continents et théorisé les formes évolutives du terrorisme, de l’Antiquité à nos jours.
Auteur de nombreux Atlas stratégiques, ainsi que d’une œuvre littéraire, il a enseigné à l’École supérieure de guerre, dirigé le Centre européen d’étude des conflits, conseillé le Centre d’analyse et de prévision du ministère des Affaires étrangères. Sans cesser d’aller sur différents théâtres d’opération, il est régulièrement invité dans des nombreuses universités étrangères.


(11) Auteur de Histoire du terrorisme de l’Antiquité à Daech (Bayard, 2015).