jeudi 29 septembre 2022

Conférence de Baroja (Anglet), mardi 4 octobre modification

 



Le cycle des conférences de philosophie de Baroja reprend mardi 4 octobre 20h30 aux Ecuries de Baroja (Anglet).

La conférence sera assurée par Frédéric Schiffter, philosophe et écrivain, sur le thème :

" Croire et savoir "

Si la croyance répond au besoin de trouver un sens à l’existence et si la connaissance est une recherche de vérités, peut-on dire qu’il est possible de connaître l’objet d’une croyance et peut-on affirmer qu’on croit à une vérité?  En quoi la croyance et la connaissance sont étrangères l’une à l’autre, voire ennemies l’une de l’autre? Le sont-elles réellement? Quelles en sont les conséquences sociales?  

L'entrée est libre et gratuite.
Les réservations se font ici :

https://www.anglet.fr/sorties/reserver-en-ligne/reservez-en-ligne-vos-spectacles-concerts-et-conferences-aux-ecuries-de-baroja/



mardi 27 septembre 2022

Philosophie magazine, L'Italie et le post-fascisme

 

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Bonjour,

Cent ans presque jour pour jour après la fameuse marche sur Rome de Mussolini qui marqua l’entrée en scène du fascisme dans l’histoire européenne, Giorgia Meloni, à la tête du mouvement “post-fasciste” des Frères d’Italie, remporte les élections législatives en Italie. Bizarrement, ce qui m’étonne dans cet événement, c’est l’idée du “post” autant que le retour du fascisme. Comme si nous vivions à l’ère du “post” : post-vérité, post-démocratie, post-effondrement, etc. Une intuition que j’explore avec Walter Benjamin.


Mais avant cela, je vous invite à retrouver, parmi nos publications du jour sur notre site, la passionnante analyse du sociologue Nicolas Duvoux, qui se penche sur les frontières de plus en plus poreuses entre le travail et l’assistanat, et les tensions grandissantes entre ceux qui “triment” et ceux qu’on présente comme des “assistés”.


“Je suis Giorgia, je suis femme, je suis mère, je suis italienne, je suis chrétienne.” Avec près d’un quart des suffrages exprimés pour son parti, Fratelli d’Italia – nom emprunté à l’hymne national –, et forte de l’alliance formée avec la Ligue de Matteo Salvini et Forza Italia de Silvio Berlusconi, Giorgia Meloni a donc assuré au bloc de droite la majorité absolue (43%) à l’Assemblée et au Sénat italiens. Si elle a rompu avec le MSI (“Mouvement social italien”), formation néo-fasciste fondée par des partisans de Benito Mussolini à laquelle elle avait appartenu dans sa jeunesse, “la” Meloni ne craint pas de porter un jugement balancé sur le Duce, qui a “beaucoup accompli pour l’Italie”, malgré quelques “erreurs”, comme les lois anti-juives. Son programme associe à un libéralisme économique pro-européen et atlantiste un discours identitaire, xénophobe et familialiste. Plus proche de Viktor Orbán que de Marine Le Pen, elle est ainsi considérée par les observateurs comme une incarnation du “post-fascisme”. Mais c’est quoi, le post-fascisme ?

Dans Les Nouveaux Visages du fascisme (Textuel, 2017), le philosophe et historien Enzo Traverso rassemble sous ce concept une série de mouvements politiques contemporains qui s’inscrivent dans la “matrice” du fascisme tout en prétendant rompre avec lui. Même s’ils mobilisent encore le peuple contre un ennemi, “ils sont porté par un contenu idéologique fluctuant, instable, souvent contradictoire”. Surtout, là où le fascisme est ouvertement “révolutionnaire” et se montre prêt, pour faire advenir un “homme nouveau”, à abolir l’État de droit et la démocratie, les post-fascistes sont portés par un “souci de respectabilité” et une volonté de “s’intégrer au système” en proposant une “alternance normale”.

Ce qui me trouble dans cette analyse, assez juste sur le fond, c’est la conscience historique qu’elle suppose. Au travers de la référence au fascisme, nous continuons de nous retourner vers le passé pour comprendre notre présent. Mais ce passé traumatique qui nous hante nous renvoie dans le même temps à la conviction que nous venons “après” la bataille, selon une posture mentale récurrente. Ainsi, quand on avance l’idée de “post-vérité” pour capter la métamorphose du débat public sous le coup des “infox” (les fake news), ou quand on parle de “post-démocratie” pour saisir la montée des autoritarismes démocratiques, ou encore quand on se situe “après l’effondrement” pour faire comprendre que la crise écologique est déjà en cours… À chaque fois, pour saisir ce qui nous advient, nous nous tournons vers le passé dans la certitude que nous nous en éloignons mais dans l’incapacité à envisager frontalement l’avenir.

En s’inspirant d’un tableau de Paul Klee représentant un ange ailé, Walter Benjamin avait saisi, dès la fin des années trente, cette nouvelle conscience historique, qui consiste à avoir le sentiment de vivre “après la catastrophe” en étant emporté à reculons vers le futur par le souffle du passé.

“Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées, écrivait Benjamin à propos de ce nouvel ange de l’histoire… Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si violemment que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s’élève jusqu’au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès” (Sur le concept d’histoire, écrit en 1940).

Au lendemain de la victoire de Giorgia Meloni, c’est une nouvelle tempête qui s’est mise à souffler en provenance du passé. Mais, à la différence de l’ange de Benjamin, il nous est difficile sinon impossible de déchiffrer le motif du progrès derrière les ruines qui s’amoncellent.



Martin
Legros