Pourquoi lire
?
par Charles
Austin
(Écuries de
Baroja, Anglet,
mardi 2
novembre 2021)
Citations
utilisées
« […] silence de l’œuvre qui
parle et parole de l’homme qui écoute, tel est le souffle infini
de la littérature […]. »
(Roland Barthes, Sur Racine,
Paris, Seuil, coll. « Points », 1963, p. 12.)
« Je soutiendrai qu’il faut ceci,
pour un artiste : un monde spécial, dont il ait seul la clef. Il ne
suffit pas qu’il apporte une chose nouvelle, quoique cela soit
énorme déjà ; mais bien que toutes choses en lui soient ou
semblent nouvelles, transapparues derrière une idiosyncrasie
coloratrice. »
(André Gide, Journal, Paris,
Gallimard, coll. « Folio », 2012, p. 58.)
« La recherche d’un résultat n’a
rien à voir avec l’action elle-même. Escompter un résultat,
c’est se projeter dans l’avenir, et l’action, elle, ne peut
exister que dans le présent. »
(Patanjali, Yoga-Sutras, Paris,
Albin Michel, coll. « Spiritualités vivantes », 1991, p. 29.)
« La première fois que j’ai vu
Venise j’y suis resté une heure. Un livre qui me fascine, il
m’arrive d’en lire vingt pages et de le planter là pour
toujours. La beauté blesse, il faut s’en approcher avec prudence.
On a envie de disparaître. »
(Jean Sulivan, Devance tout adieu,
Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1983, p. 40.)
« Derrière la parole de l’écrit,
personne n’est présent, mais elle donne voix à l’absence, comme
dans l’oracle où parle le divin, le dieu lui-même n’est jamais
présent en sa parole, et c’est l’absence de dieu qui alors
parle. Et l’oracle, pas plus que l’écriture, ne se justifie, ne
s’explique, ne se défend : pas de dialogue avec l’écrit et pas
de dialogue avec le dieu. »
(Maurice Blanchot, Une voix venue
d’ailleurs, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2002, p. 53.)
« Me rencontrer ? La distance vaut
mieux peut-être. Ma vie ne pourrait que vous décevoir. On
n’écrirait pas si l’on vivait ce que l’on écrit : et pourtant
ce que l’on écrit n’est point mensonge mais invocation. »
(Jean Sulivan, Ligne de crête,
Paris, Desclée De Brouwer, coll. « Connivence », 1978, p. 10.)
« Et maintenant c’est ainsi que je
vois les choses : l’écrivain, s’il pouvait vivre tout ce qu’il
dit, n’écrirait pas. On n’écrit que par une sorte
d’impuissance. […] Entre la vérité et les hommes, il interpose
un relais esthétique, poussé par cette espérance que des
consciences seront atteintes, vivront ce que lui ne sait que dire. »
(Jean Sulivan, Le plus petit abîme,
Paris, Gallimard, 1965, p. 124.)
« ― LE PÈRE : Je veux dire que la
vrai folie consiste à vouloir faire le contraire ; c’est-à-dire à
inventer des absurdités vraisemblables afin qu’elles puissent
paraître vraies. Mais je vous ferai remarquer, si vous me permettez,
que cette folie-là est la seule raison d’être de votre métier.
Les acteurs s’agitent, indignés.
― LE DIRECTEUR (se levant et le
toisant) : Ah, oui ? Alors vous pensez que nous exerçons un métier
de fous ?
― LE PÈRE : Eh bien, faire paraître
vrai ce qui ne l’est pas, sans nécessité, par jeu !... Votre
fonction n’est-elle pas de donner la vie sur scène à des
personnages imaginaires ?
― LE DIRECTEUR : […]
― LE PÈRE :
Mais voilà ! Parfaitement ! À des êtres vivants, plus vivants que
ceux qui respirent et qui ont des habits sur le dos ! Moins réels
peut-être, mais plus vrais ! […]. »
(Luigi Pirandello, Six
personnages en quête d’auteur, Éd. L’Avant-Scène, n° 1018
du 15/11/1997, trad. Huguette Hatem, p. 9.)
« Le naturel, le vrai, celui du
théâtre, est la chose la moins naturelle du monde, ma chère.
N’allez pas croire qu’il suffit de retrouver le ton de la vie.
D’abord dans la vie le texte est toujours si mauvais ! […] C’est
très joli la vie, mais ça n’a pas de forme. L’art a pour objet
de lui en donner une précisément et de faire par tous les artifices
possibles – plus vrai que le vrai. »
(Jean Anouilh, La répétition ou
l’Amour puni, Paris, La Table Ronde, coll. « Folio », 1951,
p. 46.)
« Vous me direz qu’un lecteur
intelligent donne à l’auteur plus qu’il ne reçoit de lui, et
qu’un couturier de génie tiendrait aisément la gageure de
tailler une robe élégante dans ce velours à côtes dont on fait
les pantalons de charpentier. »
(Georges Bernanos, Les enfants
humiliés, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1949, p. 162.)
« Les livres les plus utiles sont ceux
dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié ; ils étendent les
pensées dont on leur présente le germe ; ils corrigent ce qui leur
semble défectueux et fortifient par leurs réflexions ce qui leur
paraît faible. »
(Voltaire, Préface au Dictionnaire
philosophique, Paris, Garnier-Flammarion, 1964, p. 20.)
« On pourrait recenser les livres
suivant l’embarras d’en parler. Il y a ceux engorgés de pensées,
de savoir. Tous ces livres ensablés dans l’eau morte des idées.
Les gens qui vous en parlent vous sont très vite insupportables.
Même quand ils lisent beaucoup ils ne lisent pas : ils confortent
leur intelligence. Ils font fructifier leur or. Et il y a les livres
que l’on ne sait pas dire, à peine montrer du doigt, comme la
première étoile dans le ciel mauve. »
(Christian Bobin, La part manquante,
Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1989, pp. 41-42.)
« Et je lui ai répondu que c’était
là qu’il fallait se méfier. Que le tableau qu’on admire du
premier coup a des chances d’être un tableau astucieux, qui déçoit
assez vite. Qui manque de ressources. Dont on s’aperçoit (avec
dégoût) qu’il était précisément fait pour plaire. »
(Jean Paulhan, Braque le patron,
Paris, Gallimard, coll. « L’Imaginaire », 1952, pp. 11-12.)