jeudi 28 novembre 2019

Les Amis du Théâtre, jeudi 5 décembre


"Les Amis du théâtre" présentent, à la Gare du Midi, jeudi 5 décembre,

"Adieu Monsieur Haffmann" de Jean-Philippe Daguerre.
La pièce a remporté 4 Molières.


"Paris-Mai 1942: Le port de l'étoile jaune pour les Juifs est décrétée. Au bord de la faillite, Joseph Haffmann, bijoutier Juif, propose à som employé Pierre Vigneau de prendre la direction de sa boutique. J'aimerai que vous viviez ici avec votre épouse pendant les
mois qui vont suivre en attendant que la situation redevienne normale....La bijouterie Haffmann et fils deviendrait la bijouterie Vigneau.
Sachant que Pierre doit également prendre des risques en hébergeant clandestinement son "ancien" patron dans les murs de la boutique,il finit par accepter le marché de Joseph à condition que celui ci accepte le sien: "Isabelle et moi voulons à tout prix avoir un
enfant....Je suis stérile...J'aimerais que vous ayez des rapports sexuels avec ma femme le temps qu'elle tombe enceinte....."


jeudi 14 novembre 2019

Les Amis du Théâtre



"Zorba" de Nikos Kazantzakis sera joué le 21 novembre à la Gare du Midi à 20H30.

"Nous sommes dans les années 1920. Après plus de trois cents ans de rébellion contre l'occupation turque, la Crète retrouve petit à petit son indépendance. Nikos, un auteur de 40 ans, basé à Athènes, obsédé par ses livres et l'écriture, est déchiré entre son travail et sa soif de vivre pleinement. Il loue une mine délabrée en Crète pour vivre "la vraie vie" parmi les ouvriers et les gens ordinaires. Il rencontre et embauche un homme de 65 ans, venant de la Grèce du Nord, Alexis Zorba.
Tout en défiant cette Crète endurcie par des révoltes et façonnée par des traditions et des coutumes ancestrales, c'est Zorba, ce fou merveilleux, qui va initier Nikos aux mystères de la vie: la danse, le
vin et la femme."

vendredi 18 octobre 2019

Séminaire Michel Serres


 
Un séminaire de philosophie animé par Christophe Lamoure, professeur de philosophie, se tiendra à la maison des associations de Biarritz du lundi 21 au vendredi 25 octobre, tous les matins de 10h à 12h sauf le mercredi.

Il sera consacré au philosophe Michel Serres (1930-2019).

Il est l'un des derniers philosophes à avoir poursuivi l'ambition d'un savoir quasi universel.

Auteur d'une œuvre protéiforme, écrite dans une langue belle et originale, je vous invite à en explorer quelques thématiques.


Les matinées se distribueront ainsi :


Lundi :
Le parcours de Michel Serres : de la science à la philosophieMardi :Repenser notre rapport à la nature
Jeudi :
Repenser la propriété
Vendredi :Repenser l'éducation
Pour plus d’informations ou pour s’inscrire, il suffit de me le signaler par mail ou téléphone : 06 48 12 54 45.
 

mardi 8 octobre 2019

Hugo en voyage dans les Pyrénées




PYRENEES OU LE VOYAGE DE L’ ÉTÉ 1843

carnets de Victor Hugo

Adaptation théâtrale de Sylvie Blotnikas

Production : Acte 2 – LA PETITE COMPAGNIE

Le Colisée, jeudi et vendredi 18 octobre 2019 à 20 h 30

Victor Hugo : le fondateur du drame romantique, le génie de la poésie lyrique ou politique, le géant du roman réaliste ou historique ; mais aussi, le monarchiste devenu républicain contraint à s’exiler à Guernesey durant près de 20 ans ; mais encore, le père désespéré à la mort de Léopoldine, sa fille chérie. Chaque lecteur ou spectateur a sûrement déjà découvert un aspect de cet écrivain engagé aux multiples visages.

Mais Pyrénées ou le voyage de l’été 1843 révèle un Victor Hugo nouveau, un « tourist » passionné de voyages, parti chaque été depuis 10 ans à la découverte de la France ou de ses pays frontaliers, comme la Belgique, la Suisse et surtout l’Allemagne.

Le Journal d’un voyageur « solitaire »

En 1843, à 41 ans, Victor Hugo est déjà un écrivain célèbre mais les « luttes » du théâtre et l’échec des Burgraves l’ont fatigué.  Il décide alors d’entreprendre un nouveau voyage vers les Pyrénées pour soigner sa santé – ses rhumatismes et ses yeux – aux eaux thermales de Cauterets. Il part en compagnie de sa maîtresse Juliette Drouet, mais tout à fait incognito, si possible même pour lui, car il voyage sous le nom de M. GO ou GAULT, peu importe l’orthographe… Son journal qu’il rédige minutieusement en fonction des circonstances et des incidents de son itinéraire et de ses excursions, ne met jamais en scène qu’un voyageur solitaire aussi épris de culture que de nature. Le texte comporte narrations, descriptions et réflexions rédigées à la première personne, sans destinataire connu sauf la lettre adressée à son ami Louis Boulanger, depuis Cauterets ; l’ensemble inachevé ne sera publié qu’après la mort du poète.

Le récit débute à Bordeaux les 20 et 21 juillet et se termine à l’île d’Oléron, le 8 septembre, après avoir évoqué, plus ou moins longuement, les séjours à Bayonne et Biarritz, Saint-Sébastien, Passages, Pampelune, Pau, Cauterets et Gavarnie, puis sur le retour vers Paris, Auch, Agen, Périgueux et Saintes ; le journal s’interrompt brutalement sur la vision sépulcrale de l’île d’Oléron, comme si le poète, « la mort dans l’âme » avait pressenti soudain la funèbre nouvelle du lendemain 9 septembre. Il ne voyagera plus jamais en touriste.

« Chaque usage a sa raison. » ( Montaigne)

Même ouverture d’esprit et même philosophie chez Hugo. La tristesse qui l’accable à son arrivée à Oléron ne peut faire oublier au lecteur, les multiples sources de bonheur qui ont enchanté le voyageur pendant deux mois. Sa curiosité insatiable pour les détails humains ou historiques, son goût de l’improvisation voire de l’aventure, sa recherche du contact avec les habitants même les plus modestes et du partage de leur mode de vie, son intérêt pour les différences entre les cultures ou les mœurs, autant de regards toujours associés au sentiment profond de la nature, exalté par les moindres découvertes ; telles sont les causes de sa gaieté jusqu’à l’émerveillement, de son attendrissement aux souvenirs de sa vie enfantine et souvent, de son humour de philosophe face aux surprises désagréables . Le penseur n’est jamais loin qui s’étonne, questionne, réfléchit ou reconnaît son ignorance ; ses méditations lyriques sur la mort visitée, l’enfance retrouvée, le passé ressuscité, les animaux exploités ou les guerres dénoncées, amplifient la portée du pittoresque.

Le style vif, alerte, très imagé, riche en comparaisons contradictoires et en métaphores culturelles pour éclairer l’inconnu par des références connues, confirme la recherche passionnée de l’artiste à la découverte des mystères du monde humain et naturel.

Le texte théâtralisé par Sylvie Blotnikas et incarné par Julien Rochefort

Cette écriture directe et personnelle semble prendre à témoin un lecteur ami pour lui faire partager des confidences ; elle se prête bien à la communication théâtrale sous la forme d’un monologue de « seul en scène ». L’adaptation ne pouvant pas conserver tous les épisodes du périple, la metteure en scène a procédé à des coupures et intégré quatre extraits de lettres à Léopoldine pour clarifier l’enchaînement du récit ; elle prend aussi le relais de l’écrivain, pour l’épilogue.

Les spectateurs basques seront ravis découvrir à quel point Bayonne et Biarritz, ont marqué son cœur – « Je n’ai pas pu entrer dans Bayonne sans émotion »- et son esprit, – « Biarritz est un lieu admirable. Je n’ai qu’une peur c’est qu’il ne devienne à la mode ». Les charmes du Pays basque, campagne, mer, montagne, villes ou villages, visités jusqu’en Espagne, en diligence, à pieds ou en bateau, ont suscité au voyageur autant d’étonnements que d’admiration. Malgré les ruines des guerres carlistes et la pauvreté du petit peuple, son attirance pour l’âme espagnole s’est ravivée.

L’ ensemble de ce récit est adapté pour la première fois au théâtre ; néanmoins, quelques Bayonnais se souviendront peut-être qu’en novembre 2002, leur ville avait commémoré le bicentenaire de l’écrivain en évoquant son séjour familial d’un mois, à l’âge de 9 ans, avant d’aller rejoindre son père, général à Madrid : le musée Bonnat a accueilli alors une série de conférences associées à une courte représentation théâtrale intitulée Tendresse d’Olympio, qui ressuscitait les péripéties comiques et sentimentales de cette halte mémorable à Bayonne : « C’est là qu’est le plus ancien souvenir de (s)on cœur. »

Sylvie Blotnikas manifeste ses talents depuis plusieurs années : comédienne, auteur dramatique et metteure en scène, elle a travaillé pour le théâtre, le cinéma et la télévision dans des projets ambitieux. Elle a créé Pyrénées au théâtre du Lucernaire en 2016 puis au Festival Off d’Avignon en 2017 et 2018.

Julien Rochefort, comédien de théâtre et acteur de cinéma a joué dans trois pièces de S. Blotnikas et tourné dans des films d’A. Corneau, C. Chabrol et PH. De Broca. Il a créé le rôle avec succès au Lucernaire «  dans la simplicité du jeu théâtral la plus totale, presque  sans accessoire et sans décor », puis l’a joué au théâtre de La Luna en Avignon. Il est l’un des fils de Jean Rochefort.

L’approbation de la critique à la création en 2016

« Julien Rochefort rêvait depuis longtemps de faire entendre ce texte très particulier, d’une beauté magistrale.(…) Vous serez sidéré par la manière dont Hugo analyse les impressions, les paysages, les détails qu’il retrouve… C’est avant Proust, les miracles de la mémoire… L’adaptation est bonne, la direction sobre, l’interprète sensible et profond. Un merveilleux moment de haute littérature. »

Armelle Héliot , Figaroscope

Ce texte magnifique est ici magistralement interprété. (…) Ce n’est pourtant pas un texte destiné à être dit, ni moins encore à être joué, mais l’interprète et sa metteure en scène savent l’animer. On se balade avec un Hugo espiègle et gamin. »

Jacques Nerson, L’Obs

« Julien Rochefort peut distiller sans jamais en faire trop, avec ce qu’il faut de théâtralité, de distance comique, et de style XIXe romantique, la fascinante écriture du maître, tout ensemble descriptive et onirique, pittoresque et philosophique. »

Fabienne Pascaud, Télérama

Merci à la PETITE COMPAGNIE de nous faire découvrir un Victor Hugo méconnu, si proche de la vie quotidienne d’un simple touriste, mais toujours aussi exigeant dans sa découverte de mondes étrangers. La critique de Montaigne, soutenue ici par le poète, avait déjà dénoncé, en son temps, le comportement de nombreux voyageurs : « La plupart ne prennent que l’aller pour le venir. Ils voyagent couverts et resserrés d’une prudence taciturne et incommunicable, se défendant de la contagion d’un air inconnu. » L’antithèse du vécu hugolien.

Nicole LOUIS

vendredi 20 septembre 2019

Delphine Horvilleur, "juive et féministe"

SOURCE :
https://usbeketrica.com/article/je-suis-juive-et-feministe-mais-pas-feministe-juive

Nous avons rencontré Delphine Horvilleur, une des quatre femmes rabbins de France, pour parler d’avenir au sens large. Au final, il fut beaucoup question d’identité(s). Dans un monde traversé par les assignations essentielles, comment se frayer un chemin entre le « je » et le « nous » ? Éléments de réponses avec une femme érudite, mais aussi pleine d’autodérision.
Difficile de poser des questions à Delphine Horvilleur auxquelles elle n’a pas déjà répondu depuis deux ans, tant la plus célèbre des femmes rabbin est sollicitée ces derniers mois de toutes parts et sur tous les sujets. Antisémitisme, avenir des religions, féminisme, identités, République… L’autorité morale et intellectuelle acquise par l’ancienne étudiante en médecine et journaliste, devenue la voix du Mouvement juif libéral de France (MJLF), est une denrée très recherchée pour qui se met en quête d’un discours rationnel en ces temps de trouble politique, voire métaphysique.
On a vu Delphine Horvilleur lors de la commémoration de l’attentat de Charlie Hebdo, en janvier 2018, sur la scène des Folies Bergère, dans les arènes d’Arles cet été dans le cadre du festival Les Napoléons pour parler transmission, on l’a entendue défendre son dernier essai, Réflexions sur la question antisémite (Grasset, 2019) à la radio et à la télévision, répondre à une interview fleuve pour la revue du Crieur sur l’enjeu spirituel au XXIe siècle, on l’a même surprise cet été au micro de Léa Salamé évoquer son amour pour l’« œuvre philosophique » de Jean-Jacques Goldman lors de l’émission « Femmes puissantes » sur France Inter.

L’« affaire » Yann Moix, qui a occupé dans les grandes largeurs la rentrée littéraire et médiatique, allait nous donner l’occasion de l’interroger, hélas, sur un sujet « neuf ». Raté ! Le site parodique Jewpop nous avait devancés, en prêtant à la rabbine (oui, ça se dit) des propos évidemment apocryphes : « Je suis effondrée… Yann et moi, c’était le combo gagnant ! On aurait été les Beyoncé/Jay-Z de la littérature philosémite ! C’était le Goncourt assuré pour notre formidable projet sur les enfants battus dans les familles juives (…) Je vais encore devoir écrire des trucs sur l’antisémitisme et les femmes, fait chier ! ».
Devant un allongé, dans ce café bruyant du Marais où elle a ses habitudes, Delphine Horvilleur, badine : « Je suis bien contente qu’ils l’aient fait à ma place, parce que j’avais refusé de m’exprimer là-dessus. » C’est pourtant bien sur l’affaire Moix, un cas d’école, que porte le début de l’entretien. Avant de s’étendre à bien d’autres sujets où l’esprit de cette femme éclectique, entre interprétation des textes sacrés et références à la culture populaire, vagabonde avec aisance.
Usbek & Rica : Plus sérieusement, que peut-on penser des réactions en chaîne qui ont suivi les révélations sur le passé antisémite de Yann Moix ?
Delphine Horvilleur : La position dans laquelle je me reconnais le plus est celle de Marc Weitzman dans Le Monde : « Si on avait voulu démontrer que les Juifs contrôlent les médias, on ne s’y serait pas pris autrement. » C’est ce qui me dérange le plus dans cette affaire :  elle est une occasion, à travers le déballage qu’elle suscite et les acteurs qui y sont impliqués, de faire une démonstration qui conforte les fantasmes antisémites. La puissance des Juifs, leur capacité à manipuler l’opinion, l’organisation de la « communauté » juive…
« L’antisémitisme n’est pas le problème des Juifs, mais de la société dans son ensemble »

J’ai reçu des coups de fil de vos confrères me demandant quelle était la réaction de la communauté juive, des leaders du judaïsme. Or j’ai l’impression d’avoir répété depuis des années que l’antisémitisme n’était pas le problème des Juifs, mais de la société dans son ensemble. Il y a une passion antisémite qui est exacerbée dans cette histoire. Finalement, peu importe qu’on prenne position pour ou contre, on active le « langage antisémite ». Le peu que j’ai appris ces dernières années en essayant de m’intéresser au phénomène antisémite en France, c’est qu’il est beaucoup plus intéressant de comprendre à quel moment, dans une société, on parle la langue de l’antisémitisme, plutôt que de savoir si les gens sont antisémites ou pas. Cette langue, on en connaît les repères : la capacité à contrôler le monde, à avoir du pouvoir sur une situation… De ce point de vue, l’affaire Moix possède tous les condiments, les épices, pour l’activer.
On est donc piégés ?
Oui, la question de savoir si Moix a pu changer n’est ni bonne ni mauvaise. Tout à coup, tout le monde s’engage dans un débat théologique sur la repentance, voire un débat psychanalytique. Si on parle de repentance – et là j’enfile ma barbe de rabbin pour le dire – alors il faut être clair : aucune repentance ne peut se faire sous les spotlights. Une repentance s’accompagne d’une humilité, d’une vraie traversée du désert. Ce n’est pas un hasard si dans tant de scènes bibliques, évangéliques ou coraniques, le personnage se tape une sacrée traversée du désert, au sens littéral ! Le désert, la solitude, l’ombre, la nuit… Je suis prête à entendre la repentance de n’importe qui, mais je trouve difficile d’imaginer que ça puisse advenir dans le tumulte. Il faut le laisser passer autrement cette nuit.
Yann Moix sur le plateau de l'émission
Yann Moix sur le plateau de l'émission "On n'est pas couché", sur France 2
Moix est passé d’un antisémitisme radical à un philosémitisme tout autant radical. N’est-ce pas l'une des marques du rapport étrange à la « question juive » ?
J’ai écrit dans mon livre que je me méfie du philosémitisme parce que s’il n’y a pas de raison de détester les Juifs, il n’y a pas non plus de raison de les aimer plus que les autres. Dans la fascination que l’identité juive peut susciter, réside de ce qu’appellerais un statement autobiographique. Ça vient raconter quelque chose sur la personne qui déploie cette fascination. Qu’elle soit mortifère ou qu’elle la porte aux nues.
« Je pense, de façon assez pessimiste, qu’on ne viendra jamais à bout de l’antisémitisme, qui a une capacité mutante extraordinaire »

N’est-ce pas décourageant d’admettre comme inatteignable la quête de banalité du judaïsme ? Peut-on imaginer un jour où les Juifs ne seront ni haïs, ni aimés, mais considérés comme des êtres humains « comme les autres » ? 
Je pense, de façon assez pessimiste, qu’on ne viendra jamais à bout de l’antisémitisme, qui a une capacité mutante extraordinaire. Précisément parce qu’il se réinvente en se structurant sur les mêmes schémas qui sont de l’ordre de la faille existentielle, et qui racontent toujours celui qui l’énonce et non celui dont il parle.
Vous ne croyez donc pas aux « habits neufs » de l’antisémitisme ? 
Je veux bien qu’on parle d’« habits neufs », mais ça ne change rien au fait qu’on retrouve sans cesse les socles du bon vieil antisémitisme : pour l’antisémite, l’Autre possède une chance, une baraka, qui aurait dû être siennes et dont il a été usurpé. De même, le Juif a à ses yeux une capacité polluante. Je ne serais pas du tout surprise, par exemple, qu’à l’avenir surgissent des accusations d’attaque environnementale. On a souvent accusé les Juifs d’empoisonner des puits ou des enfants... Il y a donc plein de choses qui vont permettre de réactiver encore et encore le langage antisémite. Mais si je suis pessimiste, ça ne veut pas pour autant dire qu’il faut rester bras ballants : on doit être capable d’aiguiser notre écoute pour ne pas tomber dans le piège, parfois de bonne foi, du langage antisémite. Parfois même dans la soi-disant « défense inconditionnelle de l’État d’Israël », on retrouve les marqueurs d’un antisémitisme ancestral. Cela oblige tout le monde, même les Juifs, même moi, à s’interroger sur la façon dont on nourrit un discours propice aux clichés antisémites.
Image à la une : Delphine Horvilleur lors d'une intervention à la librairie d'Épernay, le 27 février 2019 / G.Garitan - CC BY-SA 4.0
Image à la une : Delphine Horvilleur lors d'une intervention à la librairie d'Épernay, le 27 février 2019 / G.Garitan - CC BY-SA 4.0
En finir avec les clichés sur les Juifs ne supposerait-il pas d’en finir avec la « spécificité juive » dont vous parlez dans Réflexions sur la question antisémite, à savoir cet arrachement à l’identité qui est finalement le propre de l’identité juive ? N’y a-t-il pas là un paradoxe indépassable ?
Ce que je vais vous répondre est très juif, et c’est pour ça que plein de Juifs ne seraient pas d’accord avec moi : ce qui est juif, c’est de s’arracher à sa condition de naissance, mais de ne jamais considérer qu’on est arrivés. Or, aujourd’hui, on entend deux discours, l’un de l’identité immuable, l’autre de la réinvention : d’un côté ceux qui vous disent qu’on n’est que ses origines, son essence ou sa naissance ; de l’autre qu’on a bien le droit de devenir ce qu’on sent qu’on est au fond (« Ma vérité, c’est purement mon ressenti et n’a rien à voir avec ce que la société a dit que j’étais »). Mais dans ce chemin fini, on retrouve l’image miroir de l’obsession identitaire inchangée…
« D’un côté comme de l’autre, il y a autour de nous un nombre incroyable de gens qui ont envie d’être enfermés dans un statu quo identitaire »

Je vous invite à regarder cette super série, Transparent, où un père de famille annonce à ses enfants qu’il va changer de sexe, et qui pose bien toutes ces questions. Certes, quelque chose dans l’expérience juive encense la trans-identité, mais on est entourés de gens, en ce moment, d’un bout à l’autre du spectre, qui vous disent : « Voilà qui je suis et voilà qui j’ai fini d’être. Soit parce qu’on me l’a dit et que c’est comme ça, soit parce que je l’ai décidé et que c’est fini une fois pour toutes ». Je trouve ça troublant. D’un côté comme de l’autre, il y a autour de nous un nombre incroyable de gens qui ont envie d’être enfermés dans un statu quo identitaire, dans un « c’est fini ».

Pourtant, on voit souvent la technologie comme un accélérateur d’émancipation : « techniquement », je peux être un autre : une femme si je suis un homme, un cyborg, et même pourquoi pas un animal. Alors la technique nous enferme-t-elle ou bien nous libère-t-elle ? Ne permet-elle pas de passer du « nous » au « jeu », ce qui serait d'ailleurs une interprétation très talmudique des dix commandements ?
C’est la problématique sur laquelle je travaille en ce moment. Cela fait des années que j’ai le sentiment de dénoncer le « nous » étouffant des communautés, ce « nous » ethnique ou religieux qui empêchait un grand nombre de personnes de parler à la première personne du singulier, alors que la promesse républicaine était précisément de pouvoir dire « je ». Mais on ne peut pas seulement dire « je ». Le « nous » existe toujours, même si je trouve très problématique de commencer mes phrases par « Nous les Juifs », ou « Nous les femmes ». J’adore cette phrase d’Amos Oz : « Nous les Juifs sommes incapables d’être d’accord avec une phrase qui commence par Nous les Juifs » ! On peut donc dire pareil des femmes ou des Français (que veut dire une phrase qui commence par « Nous les Français » ??) Mais il n’empêche qu’on est condamnés à vivre avec des tentations de définition de « nous ». On ne peut pas vivre sans ça.
En tant que juive, je conçois l’idée qu’il y a un « nous », un peuple. Sinon il me serait difficile d’être rabbin ! Autant inventer un « delphinisme » ! (rires) Dès lors qu’on accepte une tradition, on est obligés d’accepter un « nous ». Le seul « nous » dans lequel je pourrais me connaître serait un nous qui sait qu’il ne parle pas d’une seule voix. Cela peut paraître trivial, mais c’est très difficile à construire. Le seul « nous » vivable, à mon sens, est le nous polyphonique. Un « nous » capable d’entendre les voix diverses qui le composent. Dans le monde juif, c’est un sujet de tension permanente ! Certains veulent à tout prix s’imaginer un groupe monolithique, uni dans ses pratiques ou ses convictions.
Mais ce « nous » polyphonique, peut-il s’organiser ? Prenons le cas de la France : on fait comment ? 
La vision jacobine de l’histoire de France a toujours cherché à écraser les voix discordantes pour faire émerger une seule voix qui parle pour le groupe. Mais ça ne marche plus, il faut trouver une formule où on peut encore dire « nous » tout en entendant la polyphonie du groupe, y compris au sein des sous-groupes qui la composent. Et en disant ça, je ne réclame pas que chaque sous-groupe (les Basques, les Noirs, les Bretons, les Juifs, etc.) accède à je ne sais quelle représentativité ; c’est tout l’inverse. Ce sera très difficile à réaliser, je crois, mais c’est ce vers quoi il va falloir s’engager pour ne pas être contaminé par ce qui se passe sur certains campus américains et les débats sur l’appropriation cultuelle.
« Face au repli identitaire actuel, lire Romain Gary / Emile Ajar est une mise en garde salutaire »

Quand vous dites que vous travaillez là-dessus, c’est pour un prochain essai ?
Eh bien je n’avais pas prévu d’en parler, mais je travaille aujourd’hui autour de l’œuvre d’Emile Ajar. Je vois dans ce personnage fictif, créé par Romain Gary, un guide intéressant pour mieux cerner ce que nos sociétés traversent, politiquement ou religieusement. Avec Ajar, Gary ne cesse de dire qu’il est lui-même parce qu’il est un autre. Il refuse l’identité figée. Il est autant un python qu’un petit garçon musulman hébergé par une vieille femme juive. Face au repli identitaire actuel, lire Gary/Ajar est une mise en garde salutaire.
Romain Gary
Romain Gary / © DR
On ne peut donc pas recommencer sa vie à zéro comme les transhumanistes ou les libertariens le réclament ? 
Voilà : que ça nous plaise ou pas, nous sommes les enfants de nos parents. Cela renvoie à l’obsession actuelle pour les tests ADN. Plein d’amis à moi s’y sont prêtés, et j’ai trouvé fascinant que chacun exhibe ses résultats avec fierté, ses 4% sénégalais, ses 10% grecs etc. J’ai donc fini par céder.
Vraiment ? Vous avez fait un test ADN ?
Je n’en suis pas très fière, mais oui. J’étais à la recherche de ma propre part d’exotisme, comme tous mes amis et ils m’ont lancé un défi. J’ai reçu mes résultats, et en cliquant dessus, déception ! S’affiche le verdict suivant : « 100% Juive ashkénaze ». Ça valait bien la peine. Je me suis sentie nulle. Ça fait des années que j’enseigne le fait qu’il n’y a pas de pureté. En même temps, de la part des « puristes » juifs qui m’accusent d’être une usurpatrice qui « sans doute n’est pas vraiment juive », j’ai une preuve irréfutable à leur apporter. Que ces obsédés de l’identité m’apportent leurs résultats ! (rires)
« L’utilisation quotidienne de la technologie et des réseaux produit l’inverse du but recherché, comme un infratexte, un enfermement »

Avez-vous conscience d’être devenue au fil des années une figure à la fois rabbinique et non religieuse, à la fois très républicaine mais capable de dialoguer avec la mouvance différentialiste ? Ce point d’équilibre est-il difficile à tenir dans un espace public très clivé ? 
C'est encore une affaire de nous et de polyphonie. Comment fait-on pour créer encore des liens avec d’autres mondes ? Ce n’est pas facile. Mais mon rabbinisme a beaucoup à voir avec le rapport au texte. La façon de faire parler les mots, de jouer avec le langage, d’interpréter le texte. J’ai créé, en plus du magazine Tenoua, un cercle d’étude appelé l’« atelier Tenoua » : une fois par mois, je choisis un texte, je fais une brève intro, et par petits groupes les participants se penchent dessus, l’analysent, le détricotent, le retricotent…
Le numéro d'été 2016 de la revue Tenoua, dont Delphine Horvilleur est directrice de la rédaction.
Le numéro d'été 2016 de la revue Tenoua, dont Delphine Horvilleur est directrice de la rédaction.
Cette passion pour le texte renvoie à mon avis aux promesses non tenues par Internet, le trésor de l’hypertexte. Finalement, l’utilisation quotidienne de la technologie et des réseaux produit l’inverse du but recherché, comme un infratexte, un enfermement. Prenez l’intelligence artificielle : l’étymologie nous enseigne que l’intelligence signifie « lire entre », inter-legere. C’est exactement ce que le numérique ne peut pas faire. Il n’y a pas d’interlecture quand il y a des zéros et des uns, pas de 0,5. Or, l’intelligence, c’est du « zéro virgule… »
Vous dites que le lecteur est plus important que l’auteur...
Oui. Je suis fasciné par les moments où les gens lisent dans vos textes ce que vous n’avez pas écrit.
« Les religions du livre sont enfants du patriarcat et non du féminisme »

Vous arrive-t-il d’être d’accord avec leur interprétation ?
Oui, mais pas toujours. J’ai lu des interviews de femmes voilées militantes disant qu’elles avaient trouvé dans mes livres des sources d’inspiration. Simplement parce que j’avais dit qu’on peut être féministe et attaché à une tradition. Cela m’a poussé à écrie une postface à En tenue d’Eve (Grasset, 2013). J’ai dû expliquer que je suis juive et féministe, mais pas féministe juive. Je ne crois pas qu’il y ait du féminisme dans le texte. Quand on commence à prêter au texte un agenda féministe, c’est la porte ouverte à toutes les mauvaises foix de lecture. Ce serait malhonnête. Il existe un devoir de contextualisation relevant de la bonne foi religieuse et historique. Les religions du livre sont enfants du patriarcat et non du féminisme. À nous de décider ce dont elles seront les parents…
A contrario, que penser d’une certaine forme de féminisme qui voudrait extirper de l’Histoire des figures féminines oubliées ? N’est-ce pas là une tentative de réécriture de l'Histoire ?
Oui, les femmes ont été écartées de l’Histoire, et il faut le dire. Les femmes, que ça nous plaise ou pas, ont été l’Autre de l’Histoire. Et je ne vois pas l’intérêt de réécrire l’Histoire comme si elles avaient été le Même. Nous sommes héritières d’une histoire où l’on a été l’Autre. Il ne s’agit pas d’accepter cette éclipse historique comme un ordre des choses, mais de ne pas le nier.
Avez-vous une lecture rabbinique de la collapsologie contemporaine ? Peut-on dire que les hommes doivent expier leurs péchés du fait d'avoir détruit la planète par un trop plein d’hubris ?
Le judaïsme a sans doute un discours un peu à part car il condamne moins la Technique que d’autres religions. D’un point de vue rabbinique, l’eschatologie renvoie à l’image de la tour de Babel, ou de Sodome et Gomorrhe… c’est-à-dire à des mondes qui s’achèvent, qui ne sont pas la fin du monde, mais la fin d’un monde, à chaque fois reposant sur des enjeux éthiques : Babel s’effondre parce que les hommes ne parlent que d’une seule langue, alors que le projet divin est qu’ils en parlent plusieurs. Quant à Sodome et Gomorrhe, il n’y a pas de faute à caractère sexuel, contrairement à la lecture communément admise : Sodome s’effondre car elle est incapable d’accueillir l’étranger, ne partage plus les richesses, mais les garde pour elle.
« Loth et sa famille quittant Sodome » / Tableau de Pierre-Paul Rubens (1625)
« Loth et sa famille quittant Sodome » / Tableau de Pierre-Paul Rubens (1625) / © Musée du Louvre/A. Dequier - M. Bard
Cela dit, le messianisme a le vent en poupe dans toutes les religions aujourd’hui et trouve aussi des traductions dans le monde juif. Il y a actuellement des Juifs qui affirment que le retour à Sion marque la fin de l’Histoire, qu’on est entré dans un temps post-historique. Un célèbre philosophe juif, Yeshayahou Leibowitz, le dénonçait déjà il y a des dizaines d'années : il disait que le judaïsme affirme que le messie va venir. Dès qu’il dit que le messie est là (ou que le peuple juif a fini son histoire), c’est fini, il cesse d’être fidèle à lui-même. Dès que vous êtes dans un « ça y est », c’est terminé.

vendredi 28 juin 2019

Séminaire Foucault / Juillet



Un séminaire de philosophie animé par Christophe Lamoure, professeur de philosophie, se tiendra à la maison des associations de Biarritz du lundi 1er au vendredi 5 juillet, tous les matins de 10h à 12h sauf le mardi.
J’attire votre attention sur le fait que les séances auront lieu lundi, mercredi, jeudi, vendredi et que le jour de pause sera le mardi.
Il sera consacré au philosophe Michel Foucault (1926-1984).
Auteur d’une œuvre majeure, Foucault a bouleversé l’idée même qu’on se faisait de la philosophie en explorant des domaines et en prêtant attention à des questions qui lui étaient auparavant étrangères.
Folie, prison, clinique, pouvoir, sexualité font l’objet d’enquêtes passionnantes éclairant le temps présent et ses enjeux.

Les matinées se distribueront ainsi :
Lundi :
Le projet de Foucault : comment devient-on philosophe ?
Mercredi :
La question des marges : folie et criminalité
Jeudi :
La question du sujet : éthique et sexualité
Vendredi :
Dans quel type de société vivons-nous ?



Pour plus d’informations ou pour s’inscrire :
mail christophe.lamoure@laposte.net

ou téléphone : 06 48 12 54 45.

mercredi 24 avril 2019

Conférence de Baroja





Mardi 7 mai à 20h30 aux Ecuries de Baroja (Anglet)
 
Monsieur Gilbert Romeyer-Dherbey, philosophe, professeur émérite à la Sorbonne, spécialiste de la pensée hellénique ,
donnera la conférence suivante :

"La terrible mitrailleuse de Dieu"
dans Le Moulin de Pologne de Jean Giono
 
En rupture radicale avec les romans champêtres du début de l’œuvre de Giono, Le moulin de Pologne a pour cadre une ville, une petite ville qui, à vrai dire, ressemble furieusement à Manosque. Ce n'est pas non plus un roman picaresque, comme Les grands chemins, ni un récit de cape et d'épée, comme Le hussard sur le toit.
Il s'agit d'un texte bref, ambitieux, plus intériorisé, un roman du destin qui est en vérité, comme nous essaierons de le montrer, un drame théologique, l'évocation de la lutte entre un bon diable et un Dieu méchant, dont l'enjeu est le sort d'une famille venue d'un Mexique lointain et fabuleux. Ce récit, qui pour les commentateurs demeure "une énigme", témoigne d'une interrogation sur la question de l'au-delà, ce qui ne l'empêche pas d'ailleurs d'être un livre ironique et fulgurant. Là, plus qu'ailleurs encore, Giono, tout comme Melville, "a intérieurement appareillé pour la dangereuse croisière des rêves".

dimanche 7 avril 2019

Séminaire philo d'avril : CIORAN



Un séminaire de philosophie animé par Christophe Lamoure, professeur de philosophie, se tiendra à la maison des associations de Biarritz du lundi 15 au vendredi 19 avril, tous les matins de 10h à 12h sauf le mercredi.
 
Il sera consacré à l’écrivain Cioran (1911-1995).

Auteur d’une œuvre éblouissante, Cioran reste méconnu et victime de préjugés tenaces. Drôles, impertinents, sensibles et cruels, ses livres, écrits dans un français superbe, méritent d’être lus et médités.

 
On ne devrait écrire des livres que pour y dire des choses qu’on n’oserait confier à personne.”


Lundi 15 :
Une vie philosophique : exil et insomnie, des expériences fondatrices

Mardi 16 :
La quête d’une lucidité extrême : fragments et sensations

Jeudi 18 :
Le droit de se contredire : L’impossible et le rire

Vendredi 19 :
Exercices d’admiration

Pour s'inscrire ou pour plus d'informations :
christophe.lamoure@laposte.net
ou
06 48 12 54 45

 

samedi 30 mars 2019

Claude Habib à Baroja (Anglet)



Une conférence se tiendra mardi 2 avril à 20h30 aux écuries de Baroja (Anglet).
 
L'invitée, Mme Claude Habib, professeur de littérature à l'université de la Sorbonne nouvelle, spécialiste de la littérature du XVIII° siècle traitera du sujet suivant :
La tolérance ou l’effort contre soi
La tolérance fut conceptualisée au XVIIe siècle par Bayle et Locke, dans l’après coup des guerres de religion européennes, avant d’être diffusée par Voltaire au siècle suivant. Nous héritons de leurs avancées, dans un contexte entièrement différent. Les revendications de droits subjectifs d’une part, et les migrations d’autre part ont bouleversé les thèmes et, par suite, l’exercice de la tolérance : à présent les sociétaires sont mis en demeure d’accepter les orientations sexuelles les plus diverses tout en accueillant les croyances et les mœurs de populations d’origines variées. Sans aucun doute la tolérance est indispensable pour assurer la coexistence au sein des sociétés modernes. Mais elle ne va pas de soi. Le basculement d’une partie des opinons en Europe et aux Etats-Unis indique qu’elle n’est jamais un acquis. On ne peut se reposer sur la tolérance : elle exige en chacun un effort permanent pour avouer, affronter et surmonter ses aversions .Car il n’est de tolérance qu’envers ce qu’on ne supporte pas sans mal.
 
 
L'entrée est libre et gratuite.

samedi 23 mars 2019

Conférence à Biarritz




A l'invitation de l'université du temps libre de Biarritz,
Christophe Lamoure, professeur de philosophie,
prononcera une conférence le jeudi 28 mars à 16h15
à la maison des associations de Biarritz
(quartier Petricot, 2 rue Darritchon).
 
 
"Penser le fait religieux avec Henri Bergson"


En 1932, le philosophe Henri Bergson (1859-1941) publie son dernier livre Les Deux Sources de la morale et de la religion. S'appuyant sur les travaux des sociologues, prêtant une attention soutenue aux phénomènes mystiques, soulignant l'influence de grandes figures spirituelles dans l'histoire de l'humanité, il jette une lumière originale et puissante sur le rôle majeur que jouent les religions dans la vie des peuples et des individus.

Alors qu'on évoque un retour du religieux dans le monde contemporain, soit pour s'en inquiéter soit pour s'en réjouir, la réflexion d'Henri Bergson est d'un grand intérêt pour comprendre ce qui est en jeu dans ces mouvements puissants, capables de bouleverser, pour le meilleur et pour le pire, le mode de vie des personnes et des sociétés.
 
 

jeudi 14 mars 2019

Barbara Stiegler : Faut-il s'adapter ? bis



Barbara Stiegler vous présente son ouvrage "Il faut s'adapter : sur un nouvel impératif politique" aux éditions Gallimard. Rencontre animée par Kim Sang Ong-Van-Cung de la Société de Philosophie de Bordeaux et Jean Petaux de Sciences-Po Bordeaux. En partenariat avec l'Université Bordeaux Montaigne.

Barbara Stiegler : Faut-il s'adapter ?



Dans ce monde néolibéral où nous serions toujours en retard, il faudrait "s'adapter"... Analyse d'un courant de pensée né de la société industrielle, avec Barbara Stiegler, auteure de ""Il faut s'adapter". Sur un nouvel impératif politique" (Gallimard, 2019).

"Il faut s'adapter", "nous sommes en retard"... autant d'expressions rebattues dans nos sociétés mondialisées, et dont l'origine remonte déjà à la révolution industrielle. Car, du point de vue néolibéral, forme de libéralisme qui privilégie une forme d’intervention étatique, l'espèce humaine devrait apprendre à vivre dans un nouvel environnement, s'adapter à cette "grande révolution" par des politiques de santé et d'éducation, lesquelles seraient menées par des experts distants du peuple "masse".
"La démocratie devient une technique politique de fabrication du consentement des masses."     
(Barbara Stiegler)
On en parle avec la philosophe Barbara Stiegler, professeure à l’université de Bordeaux, membre de l'Institut universitaire de France, ses recherches portent notamment sur l’histoire des libéralismes et de la démocratie. Elle publie "Il faut s'adapter". Sur un nouvel impératif politique (Gallimard, 2019), essai sur un nouvel impératif politique. Une généalogie du néolibéralisme qui remonte aux années 1920, à l’écriture d’un grand récit qui semble encore influencer les esprits et guider l’action publique.
"Il  y a une lutte contre les inégalités, le but étant de dégager des inégalités naturelles [...] pour que le meilleur gagne."  
(Barbara Stiegler)

Marcel Gauchet, la crise de la démocratie

SOURCE :
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/03/11/marcel-gauchet-je-crains-une-anomie-democratique_5434272_3234.html


Ce qui pose problème aujourd’hui, ce n’est pas le principe démocratique mais la façon de le traduire et de le faire fonctionner, estime le philosophe et historien Marcel Gauchet.
 
Propos recueillis par Françoise Fressoz
Publié le 11 mars 2019 à 07h00 - Mis à jour le 11 mars 2019 à 07h00
 
Le Cercle des économistes. Penseur de la démocratie, le philosophe et historien Marcel Gauchet est directeur d’études émérite à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), rédacteur en chef de la revue Le Débat (Gallimard), l’une des principales revues intellectuelles françaises, qu’il a fondée avec l’historien Pierre Nora en 1980. Il est l’auteur notamment d’une tétralogie consacrée à L’Avènement de la démocratie (Gallimard, 2017).

La démocratie est-elle en danger ?

Elle dysfonctionne au point de susciter une immense frustration chez une très grande partie des citoyens et d’engendrer une contestation dont on ne sait où elle mènera. En même temps, je ne suis pas pessimiste sur le fond car je ne vois pas émerger de véritable proposition alternative au régime démocratique. Il y a, certes, de confuses tentations autoritaires mais sans idéologie, force sociale ni organisation pour les porter. C’est la grande différence avec les années 1930 : le principe démocratique est entré dans les têtes à un tel degré que toute autre chose nous est impensable.

En revanche, nous n’avons pas de solutions satisfaisantes pour traduire la démocratie en pratique et la faire correctement fonctionner. Ce que je crains n’est donc pas une remise en cause mais une espère d’anomie démocratique où, au nom de la démocratie, des tentations totalement contradictoires se font jour sans permettre de frayer un chemin consensuel vers ce qui serait la bonne manière de la faire vivre. La situation est inédite et très troublante mais elle ne présage pas le retour des dictatures.

Pourtant, dans les enquêtes d’opinion, l’attachement à la démocratie recule tandis que la demande d’autorité progresse.

C’est vrai, mais il faut interpréter correctement ces données : ce qui fondamentalement s’exprime derrière cette aspiration à plus d’autorité est une demande d’efficacité politique qui n’est plus assurée. Pour bien fonctionner, la démocratie doit pouvoir garantir simultanément la liberté de chacun et l’efficacité du pouvoir collectif. La liberté de chacun est largement acquise.
En revanche, le pouvoir de tous apparaît complètement déficient. Il nourrit une frustration qui est au cœur du divorce actuel sur le terme même de démocratie. On le constate dans des démocraties aussi diverses que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la Hongrie, la Pologne ou encore la France touchées à des degrés divers par le populisme.

En quoi la France se distingue-t-elle des autres ?

Elle a particulièrement mal vécu le tournant libéral des années 1980 car, de toutes les grandes démocraties, elle est celle qui attend le plus de l’autorité publique et croit le plus à l’efficacité de la politique. Or, en trente ans, le pouvoir s’est dilué dans des privatisations qui ont privé l’Etat de leviers essentiels, dans une décentralisation mal conduite et dans la prolifération d’autorités indépendantes qui ont brouillé la décision publique. Aussi, lorsque les Français ont des comptes à demander, c’est vers le président de la République et lui seul qu’ils se tournent parce que l’élection présidentielle a fait de lui l’unique responsable identifié.

L’esprit public est-il devenu « délétère », comme le dit Alain Juppé ?

Une révolution technologique s’est produite qui permet au premier venu d’insulter la Terre entière en toute impunité. Du point de vue de la philosophie libérale, cela pose un vrai problème : celui d’une liberté d’expression illimitée sans responsabilité. Une radicalité qui n’est plus politique mais morale et subjective se développe, marquée par une intolérance virulente au point de vue de l’autre.
C’est évidemment inquiétant car la démocratie, ce n’est pas seulement la liberté, mais la liberté au service d’une discussion commune destinée à aboutir à un accord pacificateur. Cette dimension-là est en train de s’évanouir psychologiquement de l’esprit des gens, y compris les plus cultivés.

Pourquoi les élites sont-elles à ce point stigmatisées ?

Ce qui leur est reproché n’est pas d’exister mais de ne pas se préoccuper du sort commun. La technocratie gaulliste des années 1960 était légitime, car elle était perçue comme travaillant selon l’éthique du service public.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il y a, en outre, un problème structurel qui tient au mélange et aux allers-retours entre public et privé. Il entretient un soupçon permanent de corruption dans l’esprit des citoyens. Il faut clarifier cette situation.

Est-il encore possible de réconcilier le peuple et les élus ?

Je le crois. Ce qui est saisissant dans le mouvement des « gilets jaunes », c’est la forte demande qu’ils adressent à la politique. Prenez leur revendication autour du référendum d’initiative citoyenne (RIC) : elle ne consiste pas à réclamer « tout le pouvoir pour les soviets » mais à faire valoir que, « sur un certain nombre de sujets, on ne vous fait pas confiance, donc on veut être consultés ». Je ne vois pas, dans le principe, ce qui interdirait de répondre à cette demande.

Faut-il toucher aux institutions ?

Je ne crois pas au bouleversement institutionnel. Les institutions ne seront jamais que ce qu’en font leurs acteurs. Tout repose sur la sagesse du personnel politique et sa capacité de résister aux illusions du pouvoir. Un président sage doit comprendre qu’il ne peut pas tout décider tout seul, réaliser qu’il a besoin de relais dans la société et trouver une traduction au besoin d’écoute qui s’y exprime.
La difficulté est qu’il manque un rouage essentiel pour mettre en cohérence ce que le peuple demande : les partis sont tous mal en point, mais à qui la faute, là encore ? Leurs responsables en ont-ils fait des organisations accueillantes qui contribuent à l’intelligence collective ? Ne rêvons pas d’une mécanique qui nous dispenserait de répondre à ces questions.
 

mardi 12 mars 2019

Les Amis du Théâtre / Molière



Le Roman de Monsieur Molière
de Mikhaïl Boulkakov
Jeudi 21 mars à 20H30
Gare du midi. Biarritz.

Boulkakov nous livre une vision éblouissante de la vie de Molière.
Ce récit légendaire d'une troupe ballotée entre les succès et les
revers est ici présenté dans une version vivante et enlevée,
entrecoupée de scènes de Molière et de morceaux de Lully joués au
piano.
Le spectateur assiste aux débuts chaotiques de l'Illustre-théâtre, à
son ascension fulgurante, à la querelle de "Tartuffe" et à la fin
solitaire de son chef.


Adaptation et mise en scène : Ronan Rivière

Lumière : Marc Augustin-Viguier

Costumes : Corinne Rossi


Production : COLLECTIF LA VOIX DES PLUMES


Avec : Ronan Rivière, Michaël Giorno-Cohen

Au piano : Olivier Mazal



« Ce qui me plaît dans cette histoire, c’est l’aventure du directeur de troupe, à la tête de sa caravane, sillonnant les routes de France à la recherche de son public, pour le distraire et le fustiger en même temps. C’est le récit passionnant d’un groupe qui ouvre une nouvelle brèche dans l’Art : celle d’une joyeuse révolte ». (Ronan Rivière).

LE MONDE.FR :

« Avec une belle énergie et la simplicité due au rang de tous les artistes, Ronan Riviere fait cavaler les spectateurs de plain-pied avec le saltimbanque en offrant de Molière un portrait terriblement attachant et surtout très vivant. Lui-même interprète ardemment Boulgakov et Molière, tandis que Michaël Cohen incarne une cavalcade de personnages avec une aisance stupéfiante et cerise sur le gâteau, nous pouvons goûter quelques airs de Lully dispersés au piano par Olivier MAZAL. Un spectacle comme une lettre d’amour envoyée à Molière, elle étourdit le cœur de tout le public. »

Evelyn Tran

LA TERRASSE :

« Fidèle au théâtre populaire et poétique qu'il déploie avec son collectif, Ronan Rivière adapte cette biographie avec une belle légèreté. Incarnant tantôt Molière et ses contemporains, tantôt le narrateur Boulgakov, les comédiens exécutent tout au long de la pièce des sauts de près de trois siècles. Au pied de la lourde charrette ou sur son dos, ils déploient ainsi une légèreté digne de la commedia dell’arte. Toute en jeux de masques et en petites facéties. Mais plus que la farce, c’est le mouvement qui importe. L’énergie et l’intelligence qui permettent d’entrer en empathie avec un homme d’un autre temps. »

Anaïs Heluin
FRANCE INFO :

« Un joli voyage avec Molière et Boulgakov. Vif, enjoué, charmant. Un décor de charrette à foin, quelques accessoires, deux comédiens : Rivière lui-même, clair narrateur qui joue Boulgakov et Molière. Michaël Cohen, très bien, très juste, très drôle quand, avec son physique de rond nounours aux yeux noirs, il nous fait Madeleine Béjart mais capable aussi de déclamer Philinte. Olivier Mazal se charge des respirations musicales, de Lully, qui, jouées au piano, s’imprègnent d’une étrange mélancolie. C’est parsemé de jolies idées, comme cette rampe de lumière qui devient le cercueil de Joseph Béjart, nos deux compères tiennent le rythme sans temps mort et l’on se dit « Déjà ! » quand les lumières se rallument. »

Bertrand Renard


Réservations et points de vente:
- Biarritz tourisme
- Office de tourisme d'Anglet
- Librairie Elkar à Bayonne
- A guichet, le soir du spectacle

Tarifs: 6 euros (scolaire) à 30 euros (première catégorie, tarif plein).

dimanche 3 mars 2019

Conférence de Baroja




Mardi 5 mars à 20h30
aux Ecuries de Baroja (Anglet)
Conférence de Jean-Claude Monod
Philosophe, chargé de recherches au CNRS, professeur de philosophie à l’École normale supérieure.
Auteur, entre autres, du livre Qu'est-ce qu'un chef en démocratie ? Politiques du charisme.

Titre de la conférence : Autorité et démocratie sont-elles compatibles ?
La démocratie étant fondée sur l'idée d'une égalité fondamentale des citoyens, elle semble devoir entrer en tension avec la notion d'autorité, qui implique une dissymétrie et une supériorité relative reconnue à une instance ou à une personne. Faut-il penser qu'il existe
une incompatibilité foncière entre démocratie et autorité, de telle sorte qu'une démocratie accomplie passerait par une "fin de l'autorité" et, inversement, que le principe d'autorité ne peut s'exercer qu'au détriment de la démocratie?
On tentera de montrer que cette interrogation, dont on trouve déjà trace en Grèce ancienne, est aujourd'hui relancée par divers processus qui suscitent un certain "trouble dans l'autorité" dont les effets sont loin d'être univoques.