vendredi 25 novembre 2022

Conférence de Baroja, décembre


 Mardi 6 décembre, 20h30

Écuries de Baroja (Anglet)

Entrée libre et gratuite


Christophe Lamoure, professeur de philosophie.


« Sommes-nous orphelins de la vérité ? »

Notre époque a-t-elle fait le deuil de la notion de vérité ? Quel que soit le sujet, il semble légitime d’ajuster la réalité à la stricte défense de ses intérêts, de ses convictions, de ses goûts ou de son humeur. Chacun adopte le point de vue qui l’arrange. Cette attitude si répandue sur les réseaux sociaux paraît avoir envahie l’espace public. Doit-on le comprendre comme un progrès dans la liberté d’expression ? Comment expliquer cette évolution, qui conduit jusqu’à l’apparition d’étranges formules telles que la post vérité ou les faits alternatifs ? L’extension du domaine des opinions est-elle irrésistible ?


mercredi 2 novembre 2022

Conférence de Baroja, Dostoïevski


 

Vendredi 4 novembre, à 20h30, aux Ecuries de Baroja (Anglet),  Marguerite Souchon, agrégée de russe, professeure en classes préparatoires à Lyon, auteur du Dieu de Dostoïevski chez Première Partie et de Comment Dostoïevski fut sauvé chez Les Petits Platon, prononcera une conférence :


« Du bagne au Christ, l'itinéraire spirituel de Dostoïevski »

"Dostoïevski disait lui-même qu'il était "enfant de l'incroyance". Traversant un siècle marqué par les grondements révolutionnaires et le nihilisme, il a laissé une œuvre labyrinthique, dans laquelle on croise criminels sordides et athées brillants, faisant figure d'ouragans face à d'autres personnages angéliques qui, eux, ne semblent pas faire le poids. Dans ses romans dictés par le vent de l'histoire qui se lève au loin comme un spectre, comment lire la lutte sans relâche d'un cœur déchiré par le doute et l'amour du Christ ? Du bagne à la gloire, voyage biographique et littéraire à travers l'âme du grand écrivain russe."


L'entrée est libre et gratuite.

Pour réserver sa place :

https://www.anglet.fr/sorties/reserver-en-ligne/reservez-en-ligne-vos-spectacles-concerts-et-conferences-aux-ecuries-de-baroja/



jeudi 29 septembre 2022

Conférence de Baroja (Anglet), mardi 4 octobre modification

 



Le cycle des conférences de philosophie de Baroja reprend mardi 4 octobre 20h30 aux Ecuries de Baroja (Anglet).

La conférence sera assurée par Frédéric Schiffter, philosophe et écrivain, sur le thème :

" Croire et savoir "

Si la croyance répond au besoin de trouver un sens à l’existence et si la connaissance est une recherche de vérités, peut-on dire qu’il est possible de connaître l’objet d’une croyance et peut-on affirmer qu’on croit à une vérité?  En quoi la croyance et la connaissance sont étrangères l’une à l’autre, voire ennemies l’une de l’autre? Le sont-elles réellement? Quelles en sont les conséquences sociales?  

L'entrée est libre et gratuite.
Les réservations se font ici :

https://www.anglet.fr/sorties/reserver-en-ligne/reservez-en-ligne-vos-spectacles-concerts-et-conferences-aux-ecuries-de-baroja/



mardi 27 septembre 2022

Philosophie magazine, L'Italie et le post-fascisme

 

Lire la lettre dans votre navigateur ⎈

Bonjour,

Cent ans presque jour pour jour après la fameuse marche sur Rome de Mussolini qui marqua l’entrée en scène du fascisme dans l’histoire européenne, Giorgia Meloni, à la tête du mouvement “post-fasciste” des Frères d’Italie, remporte les élections législatives en Italie. Bizarrement, ce qui m’étonne dans cet événement, c’est l’idée du “post” autant que le retour du fascisme. Comme si nous vivions à l’ère du “post” : post-vérité, post-démocratie, post-effondrement, etc. Une intuition que j’explore avec Walter Benjamin.


Mais avant cela, je vous invite à retrouver, parmi nos publications du jour sur notre site, la passionnante analyse du sociologue Nicolas Duvoux, qui se penche sur les frontières de plus en plus poreuses entre le travail et l’assistanat, et les tensions grandissantes entre ceux qui “triment” et ceux qu’on présente comme des “assistés”.


“Je suis Giorgia, je suis femme, je suis mère, je suis italienne, je suis chrétienne.” Avec près d’un quart des suffrages exprimés pour son parti, Fratelli d’Italia – nom emprunté à l’hymne national –, et forte de l’alliance formée avec la Ligue de Matteo Salvini et Forza Italia de Silvio Berlusconi, Giorgia Meloni a donc assuré au bloc de droite la majorité absolue (43%) à l’Assemblée et au Sénat italiens. Si elle a rompu avec le MSI (“Mouvement social italien”), formation néo-fasciste fondée par des partisans de Benito Mussolini à laquelle elle avait appartenu dans sa jeunesse, “la” Meloni ne craint pas de porter un jugement balancé sur le Duce, qui a “beaucoup accompli pour l’Italie”, malgré quelques “erreurs”, comme les lois anti-juives. Son programme associe à un libéralisme économique pro-européen et atlantiste un discours identitaire, xénophobe et familialiste. Plus proche de Viktor Orbán que de Marine Le Pen, elle est ainsi considérée par les observateurs comme une incarnation du “post-fascisme”. Mais c’est quoi, le post-fascisme ?

Dans Les Nouveaux Visages du fascisme (Textuel, 2017), le philosophe et historien Enzo Traverso rassemble sous ce concept une série de mouvements politiques contemporains qui s’inscrivent dans la “matrice” du fascisme tout en prétendant rompre avec lui. Même s’ils mobilisent encore le peuple contre un ennemi, “ils sont porté par un contenu idéologique fluctuant, instable, souvent contradictoire”. Surtout, là où le fascisme est ouvertement “révolutionnaire” et se montre prêt, pour faire advenir un “homme nouveau”, à abolir l’État de droit et la démocratie, les post-fascistes sont portés par un “souci de respectabilité” et une volonté de “s’intégrer au système” en proposant une “alternance normale”.

Ce qui me trouble dans cette analyse, assez juste sur le fond, c’est la conscience historique qu’elle suppose. Au travers de la référence au fascisme, nous continuons de nous retourner vers le passé pour comprendre notre présent. Mais ce passé traumatique qui nous hante nous renvoie dans le même temps à la conviction que nous venons “après” la bataille, selon une posture mentale récurrente. Ainsi, quand on avance l’idée de “post-vérité” pour capter la métamorphose du débat public sous le coup des “infox” (les fake news), ou quand on parle de “post-démocratie” pour saisir la montée des autoritarismes démocratiques, ou encore quand on se situe “après l’effondrement” pour faire comprendre que la crise écologique est déjà en cours… À chaque fois, pour saisir ce qui nous advient, nous nous tournons vers le passé dans la certitude que nous nous en éloignons mais dans l’incapacité à envisager frontalement l’avenir.

En s’inspirant d’un tableau de Paul Klee représentant un ange ailé, Walter Benjamin avait saisi, dès la fin des années trente, cette nouvelle conscience historique, qui consiste à avoir le sentiment de vivre “après la catastrophe” en étant emporté à reculons vers le futur par le souffle du passé.

“Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées, écrivait Benjamin à propos de ce nouvel ange de l’histoire… Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si violemment que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s’élève jusqu’au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès” (Sur le concept d’histoire, écrit en 1940).

Au lendemain de la victoire de Giorgia Meloni, c’est une nouvelle tempête qui s’est mise à souffler en provenance du passé. Mais, à la différence de l’ange de Benjamin, il nous est difficile sinon impossible de déchiffrer le motif du progrès derrière les ruines qui s’amoncellent.



Martin
Legros

mardi 26 juillet 2022

Aujourd'hui, existe-t-il encore une alternative ?

 SOURCE :

https://blog.mondediplo.net/there-is-no-alternative


There is no alternative

par Frédéric Lordon, 7 juillet 2022
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Ljubov Popova. — « Space-Force Construction » (Construction Espace-et-Force), 1921

Anthropocide ou capitalocide, maintenant il faut choisir. Pour éviter l’anthropocide, il faudra le capitalocide : il n’y a pas d’alternative. TINA. Les capitalistes, les néolibéraux, ça vous dit quelque chose ?

Normalement, « There is no alternative » est un énoncé qui n’a aucun droit de cité dans le discours politique. La politique c’est la souveraineté, et il entre dans le concept de souveraineté politique de toujours pouvoir faire autrement. Bien sûr tant qu’elle n’est pas captée par un petit nombre qui, lui, entend bien qu’on fasse toujours pareil — et alors soutient « qu’il n’y a pas d’alternative ». La politique, pourtant, c’est qu’il y a toujours une alternative.

Sauf quand, devenue mortifère et rendue au bout du bout, la politique se met à travailler la question de la survie de l’humanité sur la planète, ou plus exactement quand elle se retrouve confrontée à une force dont on sait maintenant à coup sûr qu’elle menace la survie de l’humanité sur la planète. Alors, et alors seulement : il n’y a pas d’alternative. C’est la force ou nous.

En finir avec l’« écologie » (pour un écolocide ?)

Parler d’écocide n’était pas encore assez. Car après tout l’habitat (l’éco, l’oïkos) ne vaut pas pour lui-même, mais plutôt pour ceux qui l’habitent (les humains, les anthropoï). Que la planète finisse en désert brûlant ou dans une atmosphère saturée en vapeurs d’ammoniac ou n’importe quoi d’autre, ça ne lui cause aucun problème en tant que planète. À nous, pas tout à fait. C’est pourquoi « écocide » n’est pas la catégorie la meilleure pour nommer ce qui est en train de se profiler : « anthropocide », bien davantage. On voit mieux de quoi il s’agit.

Lire aussi Mohamed Larbi Bouguerra, « La croisière s’amuse et la mer trinque », Le Monde diplomatique, juillet 2022.

Le souci « de la planète », souci que s’est découvert tardivement la classe qui n’avait pas de souci, a toujours trahi ses origines sociales — telles que, jusqu’à présent, elle n’avait rien trouvé à redire à la destruction de la classe ouvrière. À l’évidence, ça n’était pas un motif suffisant ni pour s’inquiéter ni encore moins pour incriminer le capitalisme. Mais la canicule et la suffocation n’ont pas le discernement de ne concerner que les pauvres, et la donne commence à changer. La bourgeoisie urbaine qui prend l’avion pour le week-end et se fait livrer en Deliveroo sans un battement de cils, voit ses rosiers secondaires cramer, sa marmaille congestionnée de bronchiolite, et son effroi grandir à la lecture de la titraille du Monde qui, rapports du GIEC à l’appui, l’informe régulièrement que « bientôt il sera trop tard ». Ce qui du reste est tout à fait exact, même pour elle. Alors, affreuse brutalité de la vie, les sans-souci se découvrent d’un coup le souci d’être au nombre des anthropoï concernés par l’anthropocide.

Ça n’est pourtant pas encore assez pour leur faire dire « capitalisme ». Il est vrai que leurs penseurs préférés le leur déconseillent. Aux dernières nouvelles, Bruno Latour, soutien avisé de Yannick Jadot, dont la bonne tête de sauveur de la planète ne saurait mentir, persiste à considérer que le capitalisme n’existe pas vraiment, en tout cas que « la question du climat ne se dissout pas facilement dans l’anticapitalisme ». En réalité elle s’y dissout tellement qu’elle y disparaît complètement, au point même qu’il faudrait cesser de parler d’écologie. L’écologie, comme question séparée, avec son ministère à elle, ses politiques publiques à elle, et ses partis écologistes à elle, l’écologie avec ses mots ineptes et caractéristiques : « vert », « transition », « durable », devra bientôt être regardée comme la borne-témoin d’une époque qui n’avait pas encore compris. Au point où nous en sommes, nous sauver de l’écocide commencera peut-être bien par un écolocide — pas d’inquiétude : juste l’« écologie »… Il n’y a pas « un sujet avec l’écologie » comme diraient les chaussures pointues : il y a l’humanité face à son destin.

Aux mains des cinglés

On comprend que tout soit fait pour écarter cette vilaine pensée. En commençant par la promesse du nettoyage capitaliste des petites salissures capitalistes. Le détraquement de la planète était un effet collatéral. Voilà que sous couleur de « réparer », ce mot si caractéristique d’une période qui bousille mais ne veut rien changer, sous couleur de réparer, donc, le système-terre change de statut : d’extérieur où s’enregistraient quelques regrettables bavures, il devient l’objet même de l’intervention directe des humains — en fait de quelques humains, mais complètement tarés, et à qui tous les pouvoirs démiurgiques sont remis au nom d’une fantasmagorie technique. Or, la régulation géoclimatique d’ensemble est un système homéostatique d’une échelle et d’une complexité telles que l’ingénierie « par parties » est certaine de n’avoir aucune maîtrise de ses propres conséquences. Pour ne pas dire : certaine de déclencher par propagations ou rétroactions successives d’incalculables catastrophes

Lire aussi Éric Delhaye, « Entreprise(s) de dépollution », Le Monde diplomatique, juillet 2022.

Qui peut sans rire prétendre savoir comment finira le projet de « fertiliser les océans avec du fer ou de l’urée pour favoriser la croissance du phytoplancton, grand consommateur de dioxyde de carbone » (1) ? Ou de « fabriquer de toutes pièces des micro-organismes n’ayant jamais existé pour leur faire absorber de l’essence, du plastique ou les rendre capables d’absorber des marées noires » (2) ? Stéphane Foucart rapporte les pensées atterrées d’un physicien de l’atmosphère à qui l’on soumet la brillante idée de disperser dans le ciel des nanoparticules soufrées, susceptible de modérer le rayonnement solaire. Le ciel pourrait y perdre « son bleu profond pour devenir blanchâtre ». Mais après tout, si c’est le prix à payer pour continuer à créer de la valeur ? Bleu, c’est juste une question d’habitude et, les habitudes, ça se change. Si on est agile.

À sa manière bien à lui, entre ravissement et illumination, Macron nous informe de ces derniers enthousiasmes : « Parce que les start-ups ont un rôle à jouer dans la transition écologique, fixons-nous un autre objectif : 25 licornes vertes d’ici 2030 » — le plus terrible de la période est sans doute de se trouver ainsi livrés aux mains de fous. Le mélange de psychopathologie et de substances additionnelles n’est pourtant ici que la pointe la plus avancée d’une croyance autrement partagée, où viennent s’accrocher tous les intérêts et tous les espoirs de prolonger le bastringue qui a encore un paquet d’euros à rendre.

Les décrocheurs

Alors tout y passe, du plus grotesque au plus spécieux. Au rayon du grotesque : l’« écologie des petits gestes », l’« écologie des solutions », l’« écologie du quotidien » — l’« écologie » de Pannier-Runacher (cheffe de rayon). Que les petits gestes ne fassent rien à la grosse catastrophe, l’idée commence à germer chez ceux-là mêmes qui, triant scrupuleusement leurs déchets, n’en voient pas moins s’approfondir le désastre, et finissent par se dire que, bac jaune, bac vert, le compte n’y sera pas tout à fait. Encore un peu de temps et ils se rendront à l’idée suivante que, non seulement les « petits gestes » n’aident pas trop la planète, mais au contraire aident à ce que la porcherie capitaliste continue de la détruire, comme toujours quand les diversions permettent d’oublier l’essentiel et que le secondaire laisse les coudées encore plus franches au principal : « pendant que ces imbéciles ont le nez dans leurs bacs, songeons tranquillement à nos prochains modèles de voitures encore plus remplies de circuits intégrés que les précédentes ».

Encore un peu de temps et ils se rendront à l’idée que, non seulement les « petits gestes » n’aident pas trop la planète, mais au contraire aident à ce que la porcherie capitaliste continue de la détruire…

L’« écologie du grotesque » promettant d’arriver bientôt à ses limites, les entreprises se cherchent déjà un tourne-disque de rechange, et avec d’autant plus de fébrilité qu’elles voient leurs diplômés chéris gagnés par l’inquiétude de devenir des collaborateurs du saccage, et tentés de prendre la tangente. Sans surprise, la sociologie des journalistes s’exprimant dans les affinités spontanées avec les objets de leur choix, les médias font grand cas de ces désertions fracassantes : Agro, Sciences-Po, Polytechnique même. La caricature sociologique mise à part, il y a plutôt de quoi se réjouir : un système auquel ses élites mêmes commencent à ne plus croire, est plus proche de la ruine que de l’apothéose.

Lire aussi Aurélien Bernier, « La face cachée des sommets de la Terre », Le Monde diplomatique, juin 2022.

En tout cas, raccrocher les wagonnets qui se mettent à dérailler devient une urgence pour le capital-RH. Alors on leur raconte une histoire, essentiellement : « les rails, c’est la belle aventure », et même « le vrai courage ». Arrêt sur images consacre une émission à « La révolte écolo dans les grandes écoles ». Aucune des associations les plus articulées d’étudiants défecteurs, comme Les Infiltrés ou X-Alt, n’y est représentée, mais peu importe. Pour le bon équilibre du plateau, on a fait venir une chaussure pointue — mais c’est aussi un sans cravate, un humaniste donc. Il comprend les choix, les respecte. Mais tout de même : qu’est-ce que c’est que cette affaire de déserteurs ? Au moment où il nous faudrait des guerriers « qui s’engagent et qui combattent : contre le réchauffement climatique et pour faire de la biodiversité (sic) ». Déserteurs/ combattants : il faut n’avoir aucun compas moral pour hésiter sur le camp à choisir.

Le directeur d’HEC, qui a vu venir avec angoisse un esclandre décroissant et enrayé préventivement tout dérapage, confirme : « Je ne suis pas sûr que l’on aurait laissé un étudiant appeler à la désertion lors de la cérémonie de la remise des diplômes » (il aurait fait beau voir), avant d’invoquer « l’ADN entrepreneurial de l’école : face à des défis, on ne baisse pas les bras, on trouve des solutions », citation totale, à laquelle ne manque pas un seul de ces mots imbéciles, ADN, entrepreneurial, défi, solution, qui ont si bien fait leurs preuves jusqu’à présent, et qu’on devrait retrouver dans un cartel d’un musée du futur. Si bien sûr il y a un futur.

Il n’y en aura un qu’à couler pour de bon ce dernier raffiot, à quoi même certains étudiants, en fait la plupart, se raccrochent encore, effrayés de leur propre mouvement de rupture quand rien dans leurs trajectoires sociales ne les avait disposés à rompre. Le capital-RH a bien saisi le point de faiblesse qui, à ces candidats à la transition existentielle, vient servir « sa » transition à lui, la transition frelatée, la « transition écologique », celle pour laquelle la chaussure pointue sans cravate d’Arrêt sur images conseille les PME depuis sa firme d’investissement — « responsable », ça va sans dire. « Participez à la grande aventure, venez changer le monde de l’intérieur », glapit le prospectus RH verdi. Car bien sûr, les mondes n’ont-ils pas de tout temps fait la démonstration qu’ils se changeaient eux-mêmes de l’intérieur ? La monarchie en 1789 ? Changée de l’intérieur. Le tsarisme en 1917 ? Changé de l’intérieur. L’esclavagisme ? Aboli depuis les plantations.

Juste sorti de la grande école, encore maigrelet et tout mouillé, le jeune diplômé est donc invité à rejoindre l’entreprise capitaliste pour la changer de l’intérieur. Avec 15 niveaux hiérarchiques au-dessus de la tête, mille-feuille de sous-chefferies en lutte sauvage pour gagner un échelon, occupées toutes à plaire à la chefferie supérieure, elle-même occupée à plaire aux actionnaires, ses propositions de renoncer aux innovations trop destructrices, de désinvestir des énergies fossiles ou de quitter les pays où se pratique le colonialisme extractiviste, sont appelées à de grands succès. Comme Emmanuel Faber, pourtant PDG de Danone, donc mieux placé a priori que la recrue de 25 ans, qui, lui aussi, voulait « changer les choses de l’intérieur » — et nous a gratifiés d’une splendide réussite. Car sitôt le cours de Bourse a-t-il eu un coup de mou, Faber était dehors, visiblement sans avoir compris grand-chose. Dans « SARL » qui, convenablement relue est en train de devenir le statut général de l’entreprise capitaliste, il faut entendre que la Responsabilité Limitée, c’est la RSE. Limitée à quoi ? Limitée à l’intégrité du profit pour l’actionnaire — mais SA-RSE-L-APA, c’est imprononçable, n’en parlons plus et regardons plutôt les défis à venir.

TINA ! (retour à l’envoyeur)

Ne pas en parler, et « regarder ailleurs », comme on sait c’est le thème d’un film d’assez grand retentissement. Normalement une fiction, mais à laquelle des personnes réelles mettent un soin étonnant à donner des prolongements réels — « Don’t look up en VF »commente David Dufresne devant la vidéo d’Apolline de Malherbes (décidément les fins de règne n’omettent pas une case à cocher) interrogeant Sasha, jeune activiste climatique qui a eu le toupet de bloquer un péage. Mais enfin est-ce que Sasha y pense : et la liberté d’aller et venir (au travail) ? Et le mécontentement des automobilistes ? Ici le BFM de Patrick Drahi indique très précisément jusqu’où on peut envisager de « tout changer (de l’intérieur) ». Quand elle découvrira dans quelles proportions il va falloir rembobiner, redoutons qu’Apolline ne nous fasse une syncope.

Lire aussi Mickaël Correia, « Le plastique, c’est fantastique », Le Monde diplomatique, février 2022.

Il ne faut pas trois jours pour que déboule une autre vidéo sur les réseaux sociaux : une tornade de sable d’une brutalité inouïe balaye une plage de Normandie, tue une personne, en blesse des dizaines. C’est à Deauville, et c’est comme une allégorie, mêlée de némésis : là où s’adonne un « mode de vie » bien décidé à ne renoncer à aucune de ses jouissances, ses conséquences pourtant lui reviennent en pleine face, méconnaissables bien sûr car la chaîne de médiation entre le shopping et un phénomène climatique est beaucoup trop étirée pour que les chandails entrevoient le moindre rapport de cause à effet.

L’halluciné aux licornes vertes, les chaussures pointues et les chandails : la grande armée du déni stupide, de la cécité intéressée et des atermoiements. Grande armée pas si grande en fait, car ils sont finalement assez peu nombreux, s’ils ont la main sur tout. En face une autre armée commence à grossir, rejointe par des « troupes » qui tournent le dos à leur camp naturel, mais surtout par d’autres qui n’en peuvent simplement plus de la manière dont on les traite : serveurs, soignants, profs, cheminots, et ont d’emblée beaucoup moins à rembobiner qu’Apolline.

C’est une course de vitesse car la planète ne nous laisse qu’un temps compté. Alors que ses limites — dont il faut rappeler la définition : ce sont des seuils anthropocides —, alors que ses limites, donc, sont allègrement franchies les unes après les autres, la course de vitesse n’a qu’un enjeu : l’acquisition collective de l’idée avant « qu’il soit trop tard » comme dirait Le Monde, mais pour de bon. L’idée qui est si énorme que tout incite d’abord à la repousser — alors qu’il va falloir s’y rendre. L’idée qu’il n’y a plus d’alternative. Écrasante responsabilité intellectuelle des intellectuels du ravaudage, qui, au lieu d’aider à ce que les cheminements de pensée se fassent, soutiennent que « l’imaginaire révolutionnaire prétend abattre un système et le remplacer par un autre, alors qu’il s’agit de revenir sur des multitudes de décisions concernant nos façons de nous déplacer, de nous habiller ». Voilà : laissons à peu près tout intact mais délibérons pour ressemeler plus longtemps nos chaussures et tout se passera bien.

Non, tout ne se passera pas bien. Une force, le capitalisme, qui a pour concept l’indéfini de l’accumulation de valeur, donc pour essence d’ignorer toute limite, ne va pas s’inventer une limite « de l’intérieur ». Quand il est au surplus avéré que c’est une force de destruction, on doit pouvoir parvenir à des conclusions logiques simples, et de la logique simple du tiers-exclu : la force de la destruction, ou bien la destruction de la force. Le capitalisme est écocide, c’est-à-dire anthropocide. Pour qu’il n’y ait pas anthropocide, ce sera donc : capitalocide. Il n’y a pas d’alternative.

Frédéric Lordon

(1Hélène Tordjman, La croissance verte contre la nature. Critique de l’écologie marchande, La Découverte2021.

(2Hélène Tordjman, op. cit.


vendredi 1 juillet 2022

Séminaire de philosophie juillet 2022

 



L'été est là.
Christophe Lamoure, professeur de philosophie, propose du lundi 4 au vendredi 8 juillet à la maison des associations de Biarritz un séminaire qui résonne avec cette période souvent associée aux vacances.
En effet, tous les matins de 10h à 12h (sauf le mercredi), il s'agira de réfléchir sur 4 aspects d'un certain art de vivre.
Les philosophes se sont souvent efforcés de discerner ce qui pouvait engendrer la douceur et la joie de vivre
Nous examinerons tour à tour quatre pratiques ou conduites qui peuvent faire apprécier encore mieux l'existence.

Ainsi, se distribueront les thèmes :
- lundi le repos
- mardi l'art d'écouter
- jeudi la beauté
vendredi le voyage

En chaque occasion, nous croiserons la route de quelques philosophes aptes à nous éclairer sur la valeur de ces expériences.

A noter qu'on peut choisir de suivre les 4 séances ou trois ou deux ou une, selon vos convenances.
A noter aussi qu'il est possible de suivre l'atelier en présence ou bien d'en recevoir les enregistrements audio (on peut "panacher" en fonction de ses disponibilités).

Pour toute information :

06 48 12 54 45


Les Amis du Théâtre saison 2022-2023


 

Pour retrouver le programme des Amis du théâtre de la prochaine saison, cliquer en dessous :

https://amis-theatre-biarritz.com/


vendredi 21 janvier 2022

Les Amis du théâtre 27, 28 janvier

 




Drame d’après un fait réel

ELEPHANT MAN

D’ANTOINE  CHALARD

JEUDI 27 JANVIER, VENDREDI 28 JANVIER 2022 

LE COLISEE – 20H30

Durée : 1h15

Texte et mise en scène : Antoine Chalard

Costumes : Marie Vernhes

Masques : Galina Molotov

Lumières : Judex Boyer, FabriceLegros

Affiche : Julien Guignans

Photos : Christian Delcambre, Brigitte Boitelle, Gilbert Vanbiervliet, Francis Mazurek

Production : Le THÉÂTRE  DU MIDI ET LA COMPAGNIE DE LÉ LA

Avec : Clémentine Yelnik, Antoine Chalard, Florent Malburet

          Londres 1884. L’engouement de la population pour les monstres est à son apogée. Le plus célèbre d’entre eux est sans doute Joseph Merrick, alias Elephant Man, exhibé comme une bête dans les foires pour ses difformités incroyables.

            Sa rencontre avec le docteur Treves, éminent professeur à l’université de médecine, va lui redonner la force de vivre, bouleverser les certitudes du docteur et changer le regard de toute la haute société.

            A l’encontre du film de David Lynch, ce spectacle, étonnamment positif, est un hymne à l’amour et à l’amitié entre les êtres, un éloge de la beauté de notre humanité dans toutes ses formes et ses différences.

LE CANARD ENCHAÎNÉ :

« Les comédiens réussissent à nous émouvoir simplement et avec tact. Une piqûre de rappel sur notre propension à traiter comme des sous-hommes ceux qui ne nous ressemblent pas. »

FRANCE-BLEU :

« Une vision très tendre et très pudique, un éloge de l’amitié et de la beauté de l’humanité. »

BOITE À CULTURE :

« Un message universel de tolérance, des comédiens qui incarnent leurs personnages avec beaucoup d’émotion et de conviction, un Elephant Man philosophe drôle qui ne déborde jamais dans le pathos. »

ADHOCVERBIS .COM :

« On est pris à la gorge. Les émotions se bousculent. Chaque mot, chaque geste, chaque rai de lumière, objet ou pièce de costume est habité par l’émotion. »