mardi 11 mai 2021

Le philosophe Jacques Bouveresse est mort

 SOURCE :

https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2021/05/11/le-philosophe-jacques-bouveresse-est-mort_6079873_3382.html


L’ancien professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Philosophie du langage et de la connaissance, est mort à l’âge de 80 ans, ont annoncé au « Monde » plusieurs de ses proches, confirmant les informations de « Libération ».

Le philosophe Jacques Bouveresse est mort, dimanche 9 mai, à Paris, à l’âge de 80 ans, ont annoncé, mardi, au Monde plusieurs de ses proches, confirmant les informations de Libération. Né le 20 août 1940 à Epenoy (Doubs), dans une famille paysanne, entré à l’Ecole normale supérieure en 1961, reçu premier à l’agrégation de philosophie en 1965, il s’était rapidement imposé comme une des voix les plus originales et les plus puissantes de la philosophie française.

Héritière de Ludwig Wittgenstein, auquel il consacre sa thèse (Le Mythe de l’intériorité. Expérience, signification et langage privé chez Wittgenstein, Minuit, 1976), sa pensée exigeante, rétive aux modes comme aux emballements lyriques, est restée jusqu’au bout une défense ardente du rationalisme, de l’examen critique, de cette « libre discussion rationnelle » propre à l’esprit scientifique, dont « Le Monde des livres » écrivait en 2007 qu’elle se révélait à ses yeux « toujours plus proche de l’idéal de liberté politique que la tradition de soumission à des dogmes, propre à la religion ».

Aussi bien le mot « religion » peut-il être compris dans un sens large, Jacques Bouveresse ayant maintes fois pris parti contre l’abandon d’une partie de la pensée française aux différentes formes de « pensée faible », marquée par l’irrationalité et une certaine tendance à se payer de mots. Il raillait, dans sa leçon inaugurale au Collège de France – où il occupa de 1995 à 2010 la chaire Philosophie du langage et de la connaissance –, « le rapport singulièrement mal défini et incertain [que la philosophie] entretient avec la vérité, dont elle prétend généralement être la servante à la fois la plus désintéressée et la plus zélée ».

Lire aussi : La leçon inaugurale de Jacques Bouveresse au Collège de France

Sortir de cette incertitude pour réarmer le rapport du langage et de la vérité aura été l’objet, au-delà de livres d’intervention qui, fidèles à cette intransigeance, lui ont valu beaucoup d’ennemis dans le champ intellectuel français, d’une œuvre philosophique vaste et protéiforme, dans laquelle on peut citer, parmi beaucoup d’autres titres, Rationalité et Cynisme (Minuit, 1984), L’Homme probable. Robert Musil, le hasard, la moyenne et l’escargot de l’Histoire (L’Eclat, 1993), Le Philosophe et le Réel. Entretiens avec Jean-Jacques Rosat (Hachette, 1998), Satire & Prophétie. Les voix de Karl Kraus (Agone, 2007), Nietzsche contre Foucault. Sur la vérité, la connaissance et le pouvoir (Agone, 2016), ou, récemment, les trois tomes du Parler de la musique (L’Improviste, 2017, 2019, 2020). Un ouvrage posthume, auquel il était en train de travailler, devrait paraître à l’automne.

Le Monde

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