PYRENEES
OU LE VOYAGE DE L’ ÉTÉ 1843
carnets de Victor
Hugo
Adaptation théâtrale de Sylvie
Blotnikas
Production : Acte 2 – LA PETITE COMPAGNIE
Le
Colisée, jeudi et vendredi 18 octobre 2019 à 20 h 30
Victor
Hugo : le
fondateur du drame romantique, le génie de
la poésie lyrique ou politique, le géant du roman réaliste ou
historique ; mais aussi, le monarchiste devenu républicain
contraint à s’exiler à Guernesey durant près de 20 ans ;
mais encore, le père désespéré à la mort
de Léopoldine, sa fille chérie. Chaque
lecteur ou spectateur a sûrement déjà découvert un aspect de cet
écrivain engagé aux multiples visages.
Mais Pyrénées
ou le voyage de l’été 1843
révèle un Victor Hugo
nouveau, un « tourist »
passionné de voyages, parti
chaque été depuis 10 ans à la découverte de la France ou de ses
pays frontaliers, comme la Belgique, la Suisse et surtout
l’Allemagne.
Le
Journal d’un voyageur « solitaire »
En 1843, à 41
ans, Victor Hugo
est déjà un écrivain célèbre mais les « luttes » du
théâtre et l’échec des Burgraves
l’ont fatigué. Il décide alors d’entreprendre un nouveau
voyage vers les Pyrénées pour soigner sa santé – ses rhumatismes
et ses yeux – aux eaux thermales de Cauterets. Il part en compagnie
de sa maîtresse Juliette Drouet, mais tout à fait incognito, si
possible même pour lui, car il voyage sous le nom de M. GO ou GAULT,
peu importe l’orthographe… Son journal qu’il rédige
minutieusement en fonction des circonstances et des incidents de son
itinéraire et de ses excursions, ne met
jamais en scène qu’un
voyageur solitaire aussi épris de culture
que de nature. Le texte comporte narrations, descriptions et
réflexions rédigées à la première personne, sans destinataire
connu sauf la lettre adressée à son ami Louis Boulanger, depuis
Cauterets ; l’ensemble inachevé ne sera publié qu’après
la mort du poète.
Le récit débute
à Bordeaux les 20 et 21 juillet et se termine à l’île d’Oléron,
le 8 septembre, après avoir évoqué, plus ou moins longuement, les
séjours à Bayonne et Biarritz, Saint-Sébastien, Passages,
Pampelune, Pau, Cauterets et Gavarnie, puis sur le retour vers Paris,
Auch, Agen, Périgueux et Saintes ; le journal s’interrompt
brutalement sur la vision sépulcrale de l’île d’Oléron, comme
si le poète, « la
mort dans l’âme » avait
pressenti soudain la funèbre nouvelle du lendemain 9 septembre. Il
ne voyagera plus jamais en touriste.
« Chaque usage a sa raison. » (
Montaigne)
Même ouverture
d’esprit et même philosophie chez Hugo.
La tristesse qui l’accable à son arrivée à Oléron ne peut
faire oublier au lecteur, les multiples sources de bonheur qui ont
enchanté le voyageur pendant deux mois. Sa curiosité insatiable
pour les détails humains ou historiques, son goût de
l’improvisation voire de l’aventure, sa recherche du contact avec
les habitants même les plus modestes et du partage de leur mode de
vie, son intérêt pour les différences entre les cultures ou les
mœurs, autant de regards toujours associés au sentiment profond
de la nature, exalté par les moindres découvertes ; telles
sont les causes de sa gaieté jusqu’à l’émerveillement, de son
attendrissement aux souvenirs de sa vie enfantine et souvent, de son
humour de philosophe face aux surprises désagréables . Le penseur
n’est jamais loin qui s’étonne, questionne, réfléchit ou
reconnaît son ignorance ; ses méditations lyriques sur la mort
visitée, l’enfance retrouvée, le passé ressuscité, les animaux
exploités ou les guerres dénoncées, amplifient la portée du
pittoresque.
Le style vif,
alerte, très imagé, riche en comparaisons contradictoires et en
métaphores culturelles pour éclairer l’inconnu par des références
connues, confirme la recherche passionnée de l’artiste à la
découverte des mystères du monde humain et naturel.
Le texte
théâtralisé par Sylvie
Blotnikas et incarné par
Julien
Rochefort
Cette écriture
directe et personnelle semble prendre à témoin un lecteur ami pour
lui faire partager des confidences ; elle se prête bien à la
communication théâtrale sous la forme d’un monologue de « seul
en scène ». L’adaptation ne pouvant pas conserver tous les
épisodes du périple, la metteure en scène a procédé à des
coupures et intégré quatre extraits de lettres à Léopoldine
pour clarifier l’enchaînement du récit ; elle prend aussi
le relais de l’écrivain, pour l’épilogue.
Les spectateurs
basques seront ravis découvrir à quel point Bayonne et Biarritz,
ont marqué son cœur – « Je
n’ai pas pu entrer dans Bayonne sans émotion »-
et son esprit, – « Biarritz
est un lieu admirable. Je n’ai qu’une peur c’est qu’il ne
devienne à la mode ». Les
charmes du Pays basque, campagne, mer, montagne, villes ou villages,
visités jusqu’en Espagne, en diligence, à pieds ou en bateau, ont
suscité au voyageur autant d’étonnements que d’admiration.
Malgré les ruines des guerres carlistes et la pauvreté du petit
peuple, son attirance pour l’âme espagnole s’est ravivée.
L’ ensemble de ce
récit est adapté pour la première fois au théâtre ;
néanmoins, quelques Bayonnais se souviendront peut-être qu’en
novembre 2002, leur ville avait commémoré le bicentenaire de
l’écrivain en évoquant son séjour familial d’un mois, à l’âge
de 9 ans, avant d’aller rejoindre son père, général à Madrid :
le musée Bonnat a accueilli alors une série de conférences
associées à une courte représentation théâtrale intitulée
Tendresse d’Olympio,
qui ressuscitait les péripéties comiques et sentimentales de cette
halte mémorable à Bayonne : « C’est
là qu’est le plus
ancien souvenir de (s)on cœur. »
Sylvie
Blotnikas manifeste ses talents
depuis plusieurs années : comédienne, auteur dramatique et
metteure en scène, elle a travaillé pour le théâtre, le cinéma
et la télévision dans des projets ambitieux. Elle a créé Pyrénées
au théâtre du Lucernaire en 2016
puis au Festival Off d’Avignon en 2017 et 2018.
Julien
Rochefort, comédien de théâtre et
acteur de cinéma a joué dans trois pièces de S.
Blotnikas et tourné dans des films
d’A. Corneau, C. Chabrol et PH. De Broca. Il a créé le rôle avec
succès au Lucernaire
« dans la simplicité du jeu théâtral
la plus totale, presque sans accessoire
et sans décor », puis l’a joué au
théâtre de La Luna
en Avignon. Il est l’un des fils de Jean
Rochefort.
L’approbation de la critique à la création en
2016
« Julien
Rochefort rêvait depuis
longtemps de faire entendre ce texte très particulier, d’une
beauté magistrale.(…) Vous serez sidéré par la manière dont
Hugo
analyse les impressions, les paysages, les détails qu’il retrouve…
C’est avant Proust, les miracles de la mémoire… L’adaptation
est bonne, la direction sobre, l’interprète sensible et profond.
Un merveilleux moment de haute littérature. »
Armelle
Héliot , Figaroscope
Ce texte magnifique est
ici magistralement interprété. (…) Ce n’est pourtant pas un
texte destiné à être dit, ni moins encore à être joué, mais
l’interprète et sa metteure en scène savent l’animer. On se
balade avec un Hugo
espiègle et gamin. »
Jacques Nerson, L’Obs
« Julien
Rochefort peut distiller sans
jamais en faire trop, avec ce qu’il faut de théâtralité, de
distance comique, et de style XIXe romantique, la fascinante écriture
du maître, tout ensemble descriptive et onirique, pittoresque et
philosophique. »
Fabienne Pascaud, Télérama
Merci à la PETITE
COMPAGNIE de nous faire découvrir un Victor
Hugo méconnu, si proche de la vie
quotidienne d’un simple touriste, mais toujours aussi exigeant dans
sa découverte de mondes étrangers. La critique de Montaigne,
soutenue
ici par le poète, avait déjà dénoncé, en son temps, le
comportement de nombreux voyageurs : « La
plupart ne prennent que l’aller pour le venir. Ils voyagent
couverts et resserrés d’une prudence taciturne et incommunicable,
se défendant de la contagion d’un air inconnu. »
L’antithèse du vécu hugolien.
Nicole LOUIS
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