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Interview
Benoît Hamon: «Je refuse de m’accrocher au monde ancien, je me projette»
A une semaine du premier tour, le candidat socialiste, donné cinquième dans les sondages, réaffirme qu’il ira jusqu’au bout et entend préparer la reconstruction du PS. Il défend sa campagne qui «parle à l’intelligence des citoyens», tout en dénonçant «l’imposture» de Macron et le plan B européen «pas désirable du tout» de Mélenchon.
Il n’abdiquera pas. A une semaine du premier tour de la présidentielle, Benoît Hamon n’a jamais été aussi loin du quatuor de tête. Détendu, sous la verrière d’un ex-atelier du Xe arrondissement de Paris retapé en espace de coworking, lieu de son QG de campagne, le candidat PS explique à Libération pourquoi sa candidature reste «utile», critique Macron et Mélenchon et commence déjà à régler quelques comptes au PS.
De plus, pendant ce temps-là, nous avons été mobilisés par le feuilleton qui tenait du supplice chinois consistant à organiser mon affaiblissement : celui des défections. Cela n’a pas changé mon axe de campagne mais a perturbé les électeurs.
Le 13 février, vous avez dit : «Hamon est le nom de mon père, de mon grand-père et je ne veux pas que mon nom et celui de mes enfants soit associé à la débâcle de la gauche où à la victoire du FN.» Deux mois plus tard, votre nom ne risque-t-il pas d’être associé à une défaite historique ?
Non. Je suis un combattant. Que ce soit bien clair, je suis en campagne jusqu’au bout pour convaincre et éviter que les électeurs soient tentés de choisir un «bon candidat», alors que l’enjeu est de choisir un bon président. Je suis confiant dans le fait que c’est l’intelligence et pas l’émotion ou les sondages qui guideront le choix des électeurs de gauche.Pourquoi ne pas se ranger derrière Mélenchon pour donner une chance à la gauche d’être présente au second tour ?
D’abord, la politique, ce n’est pas de l’arithmétique. Ensuite, ce combat que nous menons séparément ira jusqu’au 23 avril parce que, je le dis, on ne gouverne pas ou on ne reconstruit pas la gauche sur la sortie de l’Europe. Qu’elle gouverne ou qu’elle soit dans l’opposition, la gauche ne peut pas proposer aux générations futures d’envisager son destin hors de l’UE.Il y aura donc bien un bulletin Hamon…
Bien sûr qu’il y aura un bulletin de vote Benoît Hamon ! La France a besoin de la gauche que je représente : sociale, écologiste, européenne et ouverte. Celle qui a apporté l’essentiel du patrimoine des droits sociaux et démocratiques de notre pays. Vous savez, des milliers d’élus locaux, des milliers d’activistes, de citoyens me soutiennent. Ce sont des gens qui font le boulot et ils m’importent plus que d’autres.Revenons un peu en arrière. Votre meeting de Paris Bercy a été salué comme un succès, mais il n’a créé aucune dynamique. Comment l’expliquez-vous ?
Parce que j’ai été moins bon dans le débat télévisé du lendemain, j’avais probablement perdu mon influx la veille. J’ai aussi privilégié la démonstration sur mes propositions, de manière parfois trop académique. Peut-être ai-je oublié que nous étions ce soir-là dans ce que Guy Debord appelait «la société du spectacle»… Finalement, dans ce débat, il importait davantage de montrer en quoi le candidat avait les «bons mots» que de laisser à voir en quoi le président serait compétent.C’est un regret ?
Je fais une campagne qui parle à l’intelligence des citoyens. Pour moi, la question aujourd’hui pour la gauche est moins de se lover dans une fable nouvelle que de dire le projet politique qui est le sien. Des fables, on en a écrit beaucoup et nos bibliothèques en sont remplies. Je ne parle pas à des «foules», dans un rapport césariste au peuple, je parle à des citoyens, dans leur singularité.Les deux débats télévisés ont probablement été décisifs dans cette campagne. Comment l’expliquez-vous ?
Seul le vote est décisif. Le premier débat a eu lieu à un moment où les électeurs étaient incertains. Les messages portés par Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon ont correspondu à une disponibilité des Français de gauche. Pourquoi ? Parce que le pays est au bord de la crise de nerfs. Parce que les électeurs sont déboussolés. Parce que les comportements n’ont jamais été aussi erratiques… Encore que certains dirigeants socialistes partis chez Macron, eux, sont cohérents ! Ce n’est pas surprenant de voir Manuel Valls ne pas respecter la démocratie puisque c’est l’homme du 49.3. Il y a d’ailleurs un point commun entre la gauche de Valls et celle de Mélenchon : la question démocratique.Pourquoi Mélenchon ?
Il fait preuve de beaucoup d’indulgence, en matière de politique étrangère, à l’égard de pays qui restreignent les libertés publiques. Toute cette zone grise qu’il a volontairement entretenue sur la Russie de Poutine et sur Al-Assad participe de la confusion de notre époque.Pourquoi alors avoir décidé un pacte de non-agression avec lui ?
Mes adversaires sont Marine Le Pen et François Fillon. Mélenchon n’a occupé qu’une fraction minime de mon temps de parole. Sauf sur la question européenne, pour m’en distinguer. Mais je ne peux pas avoir fait ma campagne sur un futur désirable et faire l’impasse sur le fait qu’il propose de sortir de l’Europe et de l’euro ! Ce n’est pas désirable du tout.Vous ne croyez pas au plan A de Jean-Luc Mélenchon, la renégociation des traités européens ?
Non. Si le plan A était raisonnable peut-être. Mais il ne l’est pas ! Le passage d’une Europe allemande à une Europe française, personne n’y croit. Cette stratégie est vouée à l’échec. Et si c’est le plan B [la sortie de l’Europe, ndlr], comment fait-on, demain, pour appliquer son programme national ? Prenons un sujet : l’écologie. Je ne doute pas que Jean-Luc soit aussi écolo que moi, mais comment fait-on demain pour engager la conversion écologique de l’économie à l’échelle nécessaire pour qu’elle ait un impact sur le réchauffement climatique ? Si nous ne le faisons pas à l’échelle européenne, il n’y a pas de transition écologique donc pas de lutte contre le réchauffement de la planète. Avec quel fonds, demain, finance-t-on la transition énergétique sans Banque européenne d’investissements ? Son plan B, c’est une feuille blanche. J’ai une démarche différente : je propose un traité de démocratisation de la zone euro avec Thomas Piketty, et des juristes qui ont bossé ! C’est du concret. J’ai le soutien de Martin Schulz et du SPD allemand. Au passage, je rappelle que le très conservateur M. Schäuble, en Allemagne, soutient M. Macron. Si vous voulez un brevet d’austérité, le voilà : il a mis un tampon pour dire «le jeune Macron, c’est le gars qu’il nous faut». Et après on nous parle de «renouvellement» ? C’est une autre fable de cette campagne…Vous faites référence à la sortie de François Hollande : quelle a été votre réaction à ce soutien à peine voilé ?
On a passé assez de temps à commenter les soutiens francs, alors les soutiens «voilés»… C’est trop compliqué pour moi. Je fonce pour faire gagner la gauche qui veut gouverner en restant de gauche.Pendant cette campagne, vos propositions sont apparues en décalage avec les attentes - notamment de l’électorat de gauche - sur l’emploi, le pouvoir d’achat…
Le revenu universel concerne directement le pouvoir d’achat. Sur l’emploi, j’entends la critique sur la confusion qui a pu s’installer. Mais il a fallu lutter contre toute une série de vents contraires ! J’ai été accusé de vouloir préparer une «société du farniente» par une partie de mes amis politiques. Mais enfin je ne veux pas «la fin du travail» ! J’ai expliqué qu’il y aurait une raréfaction du travail si nous n’anticipions pas les transitions. Cela nécessite de regarder les secteurs dans lequel le travail va disparaître et imaginer les solutions dans des secteurs où le numérique bouleverse tout. Ainsi, je propose de créer un million d’emplois, en investissant dans les secteurs qui en ont besoin - énergies renouvelables, services à la personne, santé, éducation, industrie… - en réservant aussi 50 % de la commande publique aux entreprises locales, qui compenseront les dizaines de milliers de suppressions d’emplois dans des secteurs où les machines, les algorithmes, l’intelligence artificielle remplacent déjà les hommes.De plus, pendant ce temps-là, nous avons été mobilisés par le feuilleton qui tenait du supplice chinois consistant à organiser mon affaiblissement : celui des défections. Cela n’a pas changé mon axe de campagne mais a perturbé les électeurs.
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